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Un moteur bruyant, un dossier disciplinaire chargé

Le Tribunal confirme le congédiement d'un aiguilleur de cour pour avoir violemment fait vrombir le moteur de son tracteur afin de signaler à des collègues son impatience, une telle conduite constituant une faute grave, d'autant plus que le dossier disciplinaire du plaignant en matière d'impulsivité et de manque de jugement était déjà chargé.
12 juin 2025

Intitulé

Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 3535 et Société des alcools du Québec (Stéphane Lemay), 2025 QCTA 79

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief contestant un congédiement. Rejeté.

Décision de

Me Pierre-Marc Hamelin, arbitre

Date

6 mars 2025


L'employeur reproche au plaignant, qui occupait le poste d'aiguilleur de cour, d'avoir fait vrombir le moteur de son tracteur («coup de gaz») alors que 2 collègues se trouvaient à proximité de celui-ci, leur causant ainsi un choc sans raison. L'employeur soutient que ce geste constitue une faute suffisamment grave pour entraîner le congédiement, d'autant plus que le plaignant a déjà fait l'objet de 2 suspensions pour incivilité et manque de jugement, dont une d'une durée de 25 jours. L'employeur lui reproche également de ne pas avoir respecté les règles associées à la sortie du garage. Le syndicat fait valoir qu'il s'agit d'une erreur d'embrayage.

Décision

Rien dans la conduite du plaignant ne permet de conclure que le «coup de gaz» était un geste involontaire de sa part, bien au contraire. La preuve a démontré que cette manoeuvre provoque un bruit assourdissant et que l'un des salariés présents a eu très peur. Dans un tel contexte, on se serait attendu à ce que le plaignant s'excuse spontanément. D'ailleurs, ce dernier n'a jamais regretté sa conduite, que ce soit lors des événements ou de l'audience. Par ailleurs, le Tribunal retient que les salariés présents gênaient le plaignant et l'empêchaient de terminer la manoeuvre qu'il avait amorcée, ce qui constitue un motif expliquant pourquoi le plaignant aurait appuyé fortement sur l'accélérateur pour exprimer son impatience. Cette attitude d'impatience est cohérente avec ses comportements antérieurs, comme l'indique son dossier disciplinaire.

En somme, une multitude d'indices amènent le Tribunal à conclure que le plaignant a fait preuve d'impulsivité. Quant à la proportionnalité de la sanction, le Tribunal estime que la conduite du plaignant constitue un geste objectivement grave et un acte d'insouciance, de témérité et d'incivilité. Il s'agit également d'un acte de violence qui aurait pu avoir des conséquences physiques très graves. L'utilisation d'un tracteur de cour commande de faire preuve de prudence et vient avec l'obligation de respecter des règles élémentaires de sécurité, que celles-ci soient réglementées par l'employeur ou non. Utiliser un tel véhicule pour exprimer son impatience à des collègues ne peut être toléré. D'ailleurs, rien n'explique l'impatience du plaignant, d'autant moins que les aiguilleurs de cour ne sont soumis à aucun objectif de performance en ce qui a trait au nombre de remorques à déplacer au cours d'un même quart de travail. Compte tenu des facteurs aggravants et du seul facteur atténuant, à savoir la longue ancienneté du plaignant, le Tribunal estime que l'employeur pouvait procéder au congédiement.