Intitulé
Poliquin c. CISSS de la Montérégie-Est, 2025 QCTAT 877
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Montérégie
Type d'action
Plainte en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail à l'encontre d'un congédiement — rejetée.
Décision de
François Caron, juge administratif
Date
3 mars 2025
Décision
Le plaignant a été embauché en mars 2020 pour occuper un poste d'avocat au service des affaires juridiques de l'employeur — en novembre, il a commencé un arrêt de travail en raison d'une maladie de nature psychologique — en juillet 2023, le médecin du plaignant a recommandé son retour au travail sans restrictions à compter du 28 août suivant — l'employeur lui a demandé de se soumettre à une expertise médicale afin de s'assurer qu'il était réellement apte au travail et de déterminer de potentielles limitations fonctionnelles pouvant nécessiter des accommodements — le 11 octobre, le psychiatre mandaté par l'employeur a refusé de procéder à l'évaluation après que le plaignant l'eut informé qu'il serait étonnant que son rapport ne soit pas contesté puisqu'il entendait contester le droit de l'employeur de l'exiger — le plaignant a été convoqué à une nouvelle expertise médicale le 9 novembre — l'employeur a réitéré que son retour au travail était conditionnel à cette expertise médicale et que des mesures administratives devraient être prises en cas d'absence sans motif valable — le plaignant admet avoir lu les courriels de l'employeur et ne pas avoir confirmé sa présence à l'expertise — sans nouvelles du plaignant, l'employeur a mis fin à son emploi le 8 novembre.
Le plaignant soutient que l'employeur a agi de manière discriminatoire en lui refusant son droit au travail en raison d'un handicap — le Tribunal retient que la rupture du lien d'emploi était plutôt de nature disciplinaire — elle résultait uniquement des refus répétés du plaignant de se soumettre à une expertise médicale — cette exigence de l'employeur n'était pas discriminatoire envers le plaignant — elle est systématiquement appliquée à tous les salariés dont le retour au travail est prévu après plus de 104 semaines d'absence pour cause de maladie — le plaignant affirme n'avoir commis aucun manquement puisque l'employeur n'était pas en droit d'exiger une expertise médicale à l'extérieur de sa période d'invalidité — or, la doctrine et la jurisprudence reconnaissent que l'employeur peut, à certaines conditions, exiger qu'un salarié se soumette à une évaluation médicale avant d'autoriser un retour au travail et que le salarié s'expose à un congédiement s'il refuse — en l'espèce, l'employeur avait des motifs raisonnables pour exiger l'évaluation médicale du plaignant — les expertises ou évaluations médicales au dossier dataient de 2021, alors que l'état psychique du plaignant était évolutif — l'attestation médicale recommandant un retour au travail sans restriction méritait d'être validée en raison de la nature de la maladie du plaignant, de sa durée et du poste occupé — le plaignant prétend avoir satisfait à son obligation le 11 octobre 2023 en se présentant chez le psychiatre, lequel a finalement refusé de réaliser l'expertise — contrairement aux prétentions de l'employeur, la preuve ne permet pas de conclure que le plaignant a empêché le psychiatre de procéder à l'évaluation — néanmoins, le Tribunal est en désaccord avec l'affirmation du plaignant selon laquelle l'employeur était alors forclos d'exiger qu'il se soumette à une expertise — le refus du psychiatre n'a eu aucune incidence sur le droit de l'employeur d'exiger celle-ci.
Le plaignant allègue que son congédiement était prématuré puisque l'employeur a tenu pour acquis ou présumé qu'il ne se présenterait pas à l'expertise médicale du 9 novembre — en outre, l'employeur n'aurait pas respecté la progression des sanctions — ces arguments ne sont pas retenus — le plaignant avait été avisé à plusieurs reprises de confirmer sa présence à l'expertise, mais il ne l'a pas fait — il ne saurait être reproché à l'employeur d'avoir considéré comme improbable qu'il s'y présente et d'avoir voulu éviter les frais considérables à supporter lorsqu'un salarié omet de se présenter à une expertise — par ailleurs, l'employeur a confirmé que le plaignant ne s'était jamais présenté au rendez-vous du 9 novembre et qu'il n'avait aucunement tenté de communiquer avec lui — quant à la progression des sanctions, le plaignant avait été avisé à plusieurs reprises qu'il y aurait des conséquences s'il refusait de se conformer à la demande de l'employeur — à titre d'avocat, il ne pouvait ignorer que la fermeture administrative de son dossier impliquait la rupture de son lien d'emploi — le plaignant a délibérément choisi de ne pas régulariser sa situation, et ce, même s'il a eu plusieurs occasions de le faire — même à ce jour, il estime qu'il était dans son droit de refuser de se conformer à l'exigence de l'employeur — le plaignant ne reconnaissant pas l'autorité de l'employeur, il paraît illusoire d'envisager qu'il aurait pu s'amender dans le cadre d'un processus disciplinaire — le Tribunal conclut que le congédiement n'était pas une sanction disproportionnée.