Intitulé
Syndicat des travailleuses et travailleurs de Lavo ltée (CSN) c. KIK Holdco Company Inc., 2025 QCTAT 725 *
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Montréal
Type d'action
Demande d'ordonnance provisoire — accueillie en partie.
Décision de
François Demers, juge administratif
Date
21 février 2025
Décision
Dans le contexte d'une plainte pour mesures de représailles, intimidation et entrave à ses activités, le syndicat demande principalement au Tribunal d'ordonner à l'employeur, pendant l'instance, de cesser d'utiliser la caméra de surveillance qui a été installée devant le bureau syndical — il demande aussi d'ordonner à l'employeur de transmettre à chacun des salariés visés par l'unité de négociation la décision qui sera rendue — l'employeur conteste la demande, notamment parce que, selon lui, il y a absence d'urgence et que ses actions découlent de l'exercice normal de ses droits de gestion et de propriété — il soutient qu'il n'a aucune intention d'entraver les activités du syndicat et fait valoir qu'il a proposé, sans aucune admission, de déménager le local syndical à un endroit qui n'est pas l'objet d'une surveillance vidéo.
Rien n'empêche l'employeur de sécuriser ses installations, mais il doit le faire dans le respect des droits des salariés — or, les captures d'écran produites au dossier démontrent que le positionnement de la caméra permet de voir et d'identifier les personnes qui ont accès au local syndical — la présence physique d'une caméra de surveillance qui permet de croire que l'employeur est en mesure d'identifier les personnes qui se rendent dans le local syndical constitue un problème — par ailleurs, le Tribunal ne tiendra pas compte, à cette étape de l'analyse, de la proposition de déménager le local syndical puisque l'apparence de droit doit être évaluée au moment du dépôt de la demande, alors que l'offre de l'employeur est postérieure à celle-ci — quant à l'absence de preuve d'une intention antisyndicale, l'installation d'une caméra directement devant la porte du local syndical constitue à première vue une imprudence grave ou témoigne d'une insouciance manifeste à l'égard des intérêts légitimes du syndicat et des salariés qu'il représente — or, cette insouciance peut, à cette étape de l'affaire, être assimilée à une intention — en somme, le syndicat a démontré une apparence de droit à l'ordonnance recherchée — il a également démontré être exposé au risque d'un préjudice sérieux, même en tenant compte de l'offre de l'employeur de déplacer le local syndical — en effet, le déménagement nécessite la réalisation de travaux, avec les délais que cela suppose — cette avenue n'offre donc pas de résolution immédiate quant à l'effet intimidant de la caméra, tel qu'il est allégué par le syndicat et appuyé par des déclarations sous serment — par ailleurs, retarder l'utilisation de la caméra pendant l'instance ne représente pas un inconvénient sérieux pour l'employeur, d'autant moins qu'aucun incident particulier ne se serait produit aux endroits visés — le critère de la prépondérance des inconvénients est également rempli — il est vrai qu'aucune circonstance particulière ne justifie la nécessité d'intervenir d'urgence — cependant, s'ils sont considérés globalement, les critères mentionnés plus haut militent en faveur de l'ordonnance recherchée — ainsi, la désactivation de la caméra pendant l'instance permettra de sauvegarder les droits des parties jusqu'à ce que le Tribunal se prononce sur le bien-fondé de la plainte à la lumière d'une preuve complète.
Suivi
Requête en révision demandée (T.A.T.), 1405631-71-2502 et AM-2001-9604.