Intitulé
Dalpé c. Centre de la petite enfance Bouton Éclair, 2025 QCTAT 771
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Montréal
Type d'action
Plainte en vertu de l'article 123.6 de la Loi sur les normes du travail pour harcèlement psychologique — accueillie.
Décision de
Maude Pepin Hallé, juge administrative
Date
25 février 2025
Décision
La plaignante, une directrice générale dans un centre de la petite enfance (CPE), a été embauchée notamment pour remettre la comptabilité en état — elle a fait l'objet de harcèlement psychologique de la part de sa prédécesseure et des administrateurs — comme le Tribunal constate l'existence de plusieurs gestes et de comportements hostiles et non désirés, il doit les analyser globalement pour déterminer s'ils constituent ensemble une conduite vexatoire — pendant son premier mois chez l'employeur, la plaignante a été ignorée par l'ancienne directrice, avec laquelle elle travaillait quotidiennement — celle-ci retenait également des documents et des informations, ce qui avait pour effet d'empêcher la requérante de répondre aux demandes des employés — l'ancienne directrice a miné la crédibilité de cette dernière en donnant à son insu une directive contraire aux éducatrices — elle avait pourtant la mission d'assurer la transition avec la plaignante et, compte tenu de sa résistance, elle a compromis la réussite de celle-ci — après le départ de l'ancienne directrice, qui est tombée en arrêt de travail pour cause de maladie, ce sont les administrateurs qui ont fait obstacle à la mission de la plaignante — le président a refusé de tenir une réunion du conseil d'administration d'urgence afin de permettre à cette dernière de payer les employés — une personne placée dans les mêmes circonstances percevrait que son supérieur ne se soucie pas de lui causer du tort — cette situation s'est répétée lorsque le vice-précisent a rencontré la plaignante dans son bureau et qu'il a haussé le ton pour lui ordonner de payer les réclamations de l'ancienne directrice, alors qu'il savait qu'elle n'était pas à l'aise avec cette demande — en retardant la nomination d'une adjointe à la pédagogie et en l'accordant à l'ancienne directrice à l'insu de la plaignante, non seulement le président s'est ingéré dans la direction générale du CPE, mais il a en outre mis en place des conditions pour que la plaignante échoue dans ses fonctions — ce geste était hostile — lors de la rencontre de rétroaction en lien avec la période d'essai de la plaignante, 2 administrateurs ont tenu des propos méprisants à son endroit — le président a ignoré cette dernière pendant plusieurs jours avant que le vice-président ne s'emporte contre elle au téléphone — la plaignante a alors été mise en arrêt de travail pour cause de maladie — dans les jours suivants, le conseil d'administration a malgré tout forcé celle-ci à travailler en l'appelant pour effectuer une tâche et en lui demandant d'assurer son propre remplacement — quelques mois plus tard, le président a joint la plaignante et s'est adressé à elle en utilisant un ton lourd de reproches, et ce, sans motif — le Tribunal constate l'existence d'une conduite vexatoire — celle-ci a instauré un climat de travail néfaste pour la plaignante de juillet 2019 à juillet 2020 — la conduite vexatoire et le milieu de travail néfaste ont atteint l'intégrité physique et psychologique de la plaignante — alors qu'elle était déjà stressée, cette dernière est tombée dans un état d'hypervigilance et s'est isolée — elle a eu des nausées ainsi que des difficultés à dormir, à s'occuper de sa fille et à s'acquitter de ses obligations familiales — elle a obtenu un arrêt de travail à la suite d'un diagnostic comprenant une composante psychologique et s'est vu prescrire un médicament — elle a suivi une thérapie pendant près de 2 ans — sa confiance et ses capacités professionnelles sont devenues fragiles.
L'employeur n'a pas pris des moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et le faire cesser lorsque celui-ci a été porté à sa connaissance — la plaignante avait pourtant fait valoir auprès de personnes en situation d'autorité qu'elle considérait que certains gestes participaient d'un climat néfaste et qu'il étaient non désirés — quoiqu'elle n'ait pas utilisé l'expression «harcèlement psychologique», les propos qu'elle a tenus étaient clairs — l'employeur ne peut non plus reprocher à la plaignante de ne pas avoir porté plainte de façon officielle alors qu'il n'a pas fait la preuve de la mise en place d'une politique de prévention du harcèlement psychologique — enfin, il est de jurisprudence constante que l'on ne peut reprocher à une personne de ne pas avoir dénoncé une situation lorsque le présumé harceleur se trouve en position d'autorité.