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Congédiement déguisé et pratique interdite

La requérante obtient une indemnité de 1  929 $ pour le salaire perdu entre le début de son absence pour cause de maladie liée à son congédiement déguisé et la date à laquelle elle a refusé de reprendre le travail en raison du harcèlement dont elle se disait victime; puisque le Tribunal n'a pas reconnu la période d'absence découlant du harcèlement dans sa décision au fond, celle-ci ne peut donner lieu à une indemnité.
1 mai 2025

Intitulé

Grimard c. Santé Québec — Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Ouest-de-l'Île-de-Montréal, 2025 QCTAT 394

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Montréal

Type d'action

Requête en fixation d'une indemnité — accueillie en partie.

Décision de

Pierre-Étienne Morand, juge administratif

Date

31 janvier 2025


Décision

Le Tribunal a rejeté la plainte pour harcèlement psychologique de la requérante, mais a accueilli 2 plaintes pour congédiement déguisé et 1 plainte pour pratique interdite — les indemnités réclamées par la requérante ne peuvent se rattacher à la plainte pour pratique interdite — le Tribunal a épuisé sa compétence en ordonnant l'annulation des mesures de représailles imposées à la requérante — celle-ci réclame une indemnité pour le salaire perdu entre le premier congédiement déguisé, le 29 novembre 2017, et son retour au travail à temps plein, le 30 mai 2018 — il appert toutefois de la preuve que l'absence pour cause de maladie découlant du congédiement déguisé s'est étendue du 30 novembre 2017 au 18 janvier 2018, soit la date à laquelle l'employeur a demandé à la requérante de reprendre le travail dans le respect des limitations reconnues par son médecin — c'est le harcèlement dont se plaignait la requérante qui a causé la prolongation de son absence — or, le Tribunal ne peut compenser une perte salariale se rattachant au harcèlement allégué, alors que le recours a échoué — la requérante obtient une indemnité pour perte salariale de 1 929 $, soit la différence entre les revenus qu'elle a touchés pendant la période d'indemnisation et la rémunération qu'elle aurait obtenue, n'eût été l'arrêt de travail causé par son congédiement déguisé.

La somme de 45 696 $ réclamée par la requérante pour compenser le temps consacré à la recherche ainsi qu'à la préparation des audiences et de la présente réclamation n'est pas accordée — rien ne démontre que l'employeur a abusé de son droit d'ester en justice dans sa défense à l'encontre des plaintes dirigées contre lui — les interventions des conseillers juridiques privés retenus par la requérante visaient à empêcher un retour au travail en 2018, alors que cette dernière refusait d'être en contact avec le supérieur mis en cause dans sa plainte pour harcèlement — ces procureurs n'ont jamais comparu aux dossiers devant le Tribunal — la réclamation de 9 623 $ pour le remboursement des honoraires de ces procureurs et de différents débours est rejetée.

La requérante réclame 45 000 $ en dommages moraux et 60 000 $ à titre de dommages punitifs — elle a subi du tourment, du stress et de l'humiliation découlant directement des gestes de l'employeur qui ont été reconnus comme constituant 2 congédiements déguisés imposés dans une période assez courte — le Tribunal estime que des dommages moraux de 10 000 $ sont raisonnables dans les circonstances — la requérante a démontré une atteinte illicite et intentionnelle à son droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation protégé par l'article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne — en novembre 2017, la requérante s'est vu imposer des tâches autres que les siennes ainsi qu'un changement de lieu de travail, et ce, au mépris de sa condition de santé — même si aucun justificatif médical n'existait à ce moment concernant une limitation particulière de la requérante, son supérieur connaissait sa condition et il ne pouvait ignorer qu'une telle conduite placerait cette dernière dans une situation intenable — n'ayant d'autre choix, la requérante s'est absentée pour cause de maladie — alors que la requérante est une professionnelle compétente qui ne cherchait qu'à servir, il est inadmissible qu'elle ait été mise à l'écart à son retour au travail, au printemps 2018 — cela dénote une insouciance de l'employeur par rapport à la situation de la requérante, qui ne pouvait qu'en subir un préjudice — l'employeur ne pouvait ignorer les conséquences probables de son geste, lesquelles se sont d'ailleurs matérialisées — le Tribunal estime des dommages punitifs de 5 000 $ sont suffisants pour assurer leur fonction préventive.

Réf. ant

(T.A.T., 2022-06-23), 2022 QCTAT 2990, SOQUIJ AZ-51862776, 2022EXPT-1715.