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Compromettre sérieusement la santé, la sécurité et l'intégrité physique d'un travailleur

L'employeur, une entreprise qui se spécialise notamment dans le montage et le démontage de systèmes d'échafaudages, a compromis directement et sérieusement la santé, la sécurité ainsi que l'intégrité physique ou psychique d'un travailleur lors de l'exécution de travaux dans un échafaudage, contrevenant ainsi à l'article 237 LSST.
28 avril 2025

Intitulé

Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) c. AlumaSafway inc., 2024 QCCQ 7611 *

Juridiction

Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (C.Q.), Saint-François (Sherbrooke)

Type d'action

Plainte pénale en vertu de l'article 237 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST). Déclaration de culpabilité.

Décision de

Tanya Larocque, juge de paix magistrat

Date

1er novembre 2024


Un échafaudage à rosettes de 16 niveaux et d'une hauteur totale de 39 mètres s'est effondré dans un édifice de Domtar inc. lors d'un arrêt prolongé qui avait pour but de permettre la réalisation de travaux d'entretien dans un lessiveur. Cet accident a entraîné le décès de 2 travailleurs de même que des blessures à plusieurs autres. La défenderesse, qui avait été embauchée par Domtar pour fournir et installer l'échafaudage, avait elle-même engagé un ingénieur, lequel a élaboré le plan de conception de la structure. La poursuite reproche à la défenderesse, en tant qu'employeur, d'avoir compromis directement et sérieusement la santé, la sécurité ainsi que l'intégrité physique ou psychique d'un travailleur lors de l'exécution de travaux dans un échafaudage, contrevenant ainsi à l'article 237 LSST.

Décision

La poursuite a démontré hors de tout doute raisonnable que des travailleurs avaient été exposés à un danger réel et immédiat de blessures graves en raison de situations inadéquates dont la défenderesse avait le contrôle. La preuve révèle en effet l'absence de méthodes de travail ou de directives propres à l'usage d'échafaudages techniques, contrairement à ce que requiert le paragraphe 3 de l'article 51 LSST. Elle démontre également l'absence d'identification et de contrôle des risques et des dangers liés aux travaux effectués dans un échafaudage, ce qui va à l'encontre du paragraphe 5 de l'article 51 LSST. Par ailleurs, des composantes provenant de plusieurs fabricants ou distributeurs avaient été utilisées pour procéder au montage de l'échafaudage, et ce, sans s'assurer de leur compatibilité. En outre, certaines d'entre elles étaient défectueuses. Alors que les règles de l'art et le bon sens imposent que le montage de l'échafaudage suive rigoureusement le plan de conception certifié par l'ingénieur, des images captées par un drone ont permis de constater des divergences entre celui-ci et le montage effectué par la défenderesse. Des modifications avaient également été apportées sans avoir été préalablement approuvées par l'ingénieur. Par ailleurs, aucune étiquette n'avait été installée aux points d'accès de l'échafaudage afin d'informer les utilisateurs de l'état de celui-ci. Enfin, la preuve démontre que le chargé de projet de la défenderesse a donné l'autorisation à des travailleurs d'entrer dans la partie basse du lessiveur en l'absence d'une attestation de conformité délivrée par l'ingénieur. Quant au reproche concernant le fait que le plan de conception n'a pas été remis en question ni été l'objet d'une vérification supplémentaire, il ressort de la preuve que ce dernier était défaillant, notamment en raison du manque de contreventements. Cependant, même si la défenderesse est une entreprise spécialisée en échafaudages, elle ne peut exiger de ses employés une remise en question ou des vérifications systématiques du plan de conception d'un échafaudage technique qui est certifié par un ingénieur. Ce reproche ne peut donc être retenu contre elle.

La défenderesse ne s'est pas acquittée de ses devoirs de prévoyance, d'efficacité et d'autorité. À cet égard, le tribunal retient notamment que, bien que la défenderesse détienne un programme de prévention, aucune preuve ne démontre que celui-ci est communiqué aux employés et que les directives qu'il contient sont connues et comprises par ces derniers. Il y a également une absence de preuve concernant la tenue d'une formation portant sur les méthodes de travail et les risques relatifs aux échafaudages techniques. Par ailleurs, même si un système de mesures disciplinaires est prévu au programme de prévention de la défenderesse, rien ne démontre qu'il est connu et compris par les employés ni qu'il était appliqué par la défenderesse au moment des événements.

La défenderesse n'a pas respecté les règles de sécurité claires et bien établies dans certaines normes. Elle n'a pas agi avec la diligence à laquelle on s'attend de la part d'une entreprise spécialisée, d'autant moins qu'elle exerce une activité comportant des risques élevés pour la santé et la sécurité des travailleurs. Elle devait s'assurer positivement ainsi que de façon attentive et constante que l'organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour la réalisation de l'échafaudage étaient sécuritaires, ce qu'elle n'a pas fait. Elle est déclarée coupable de l'infraction qui lui est reprochée.

Suivi

Détermination de la peine (C.Q., 2024-11-27), 450-63-001194-229.