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Lorsqu’un café provoque une lésion professionnelle

Un ambulancier a subi une lésion professionnelle lorsqu'un café s'est renversé sur sa jambe; il s'agit d'un événement imprévu et soudain survenu à l'occasion du travail puisqu'il passe la plupart de son temps dans l'ambulance et que son employeur l'autorise à acheter des cafés ou de la nourriture pendant les périodes où il est en attente d'un appel.
14 avril 2025

Intitulé

Richard et Ambulances Louiseville, une division de Dessercom inc., 2025 QCTAT 215

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division de la santé et de la sécurité du travail (T.A.T.), Mauricie--Centre-du-Québec

Type d'action

Contestation par le travailleur d'une décision ayant déclaré qu'il n'avait pas subi de lésion professionnelle. Contestation accueillie.

Décision de

Julie Falardeau, juge administrative

Date

17 janvier 2025


Le travailleur, un ambulancier paramédical, a subi une brûlure au deuxième degré à la jambe gauche lorsqu'un café s'est renversé sur lui dans l'ambulance. La CNESST a déclaré qu'il n'avait pas subi de lésion professionnelle au motif que cet événement n'était pas survenu par le fait ou à l'occasion du travail. Cette décision a été confirmée à la suite d'une révision administrative.

Décision

Le travailleur ne peut bénéficier de la présomption de lésion professionnelle se trouvant à l'article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) car, même si ce dernier a subi une blessure, celle-ci n'est pas survenue en exécutant son travail. Il n'y a toutefois pas de débat sur le fait que l'événement survenu lorsque le café s'est renversé sur la jambe gauche du travailleur a constitué un événement imprévu et soudain. Il n'est pas non plus remis en cause que cet événement a été à l'origine de la brûlure au deuxième degré à sa jambe. Quant à savoir si cet événement est survenu par le fait ou à l'occasion du travail, la preuve a établi que la blessure du travailleur était survenue dans le véhicule appartenant à l'employeur et dont le travailleur était passager. Ce dernier a également témoigné que l'ambulance était son lieu de travail principal, ce qui n'a pas été contredit par l'employeur. Dans ces circonstances, on peut considérer que l'accident est survenu sur les lieux du travail. Quant au moment de l'accident, la preuve a établi que le travailleur n'était pas en pause repas lorsque celui-ci est survenu. Il était disponible et en attente de recevoir un prochain appel de l'employeur. En ce qui concerne l'existence et le degré d'autorité ou de subordination de l'employeur, ce critère n'a pas à être analysé en l'espèce puisque l'événement est survenu durant les heures de travail et que le travailleur se trouvait sur les lieux du travail, soit dans l'ambulance. Par ailleurs, en invitant le Tribunal à accorder davantage d'attention à l'activité exercée lors de l'événement, l'employeur a omis de tenir compte du contexte particulier de l'emploi exercé par le travailleur. Or, de l'avis du Tribunal, ce contexte doit prévaloir sur la seule activité exercée à ce moment. À cet égard, la preuve non contredite a démontré que le travailleur passait la plupart de son temps dans l'ambulance. Il pouvait donc avoir besoin de boire ou de manger et l'employeur l'autorisait à acheter des boissons ou de la nourriture pendant les périodes où il était en attente d'un appel. L'employeur connaissait cette habitude et y a même participé à l'occasion, en demandant qu'on lui achète aussi quelque chose. Ce dernier demandait toutefois aux travailleurs de rester à proximité du bureau puisqu'ils étaient en disponibilité et pouvaient recevoir à tout moment un appel. Ainsi, même si le travailleur était au service à l'auto d'un restaurant lorsqu'un des cafés achetés s'est renversé sur sa jambe, cette activité n'a pas interrompu son travail puisqu'il était toujours en disponibilité à ce moment-là. De plus, la preuve a révélé que le travailleur disposait d'une certaine liberté pour occuper ses temps d'attente. Il pouvait notamment exercer une activité de confort, telle que se procurer à boire ou à manger. Dans ces circonstances, le fait d'acheter des cafés pour ses collègues et pour lui-même n'a pas fait perdre le lien de connexité avec le travail. Compte tenu de tous ces éléments, la lésion subie par le travailleur a résulté d'un événement imprévu et soudain survenu à l'occasion du travail.

L'employeur a prétendu que le travailleur avait fait preuve d'une négligence grossière et volontaire lors de l'événement et que, pour cette raison, il n'a pas subi de lésion professionnelle, en vertu de l'article 27 LATMP. Selon lui, le travailleur a manqué de jugement en déposant le plateau contenant les cafés chauds sur la console. Certes, le travailleur a été imprudent en déposant le plateau à un endroit dont il ne pouvait assurer la stabilité. Toutefois, la preuve n'a pas démontré d'acte intentionnel empreint de témérité ou d'insouciance déréglée de sa part. Selon son témoignage, il a déposé le plateau sur la console en attendant de finaliser la transaction, ce dernier étant stable puisque son pied droit le soutenait. Le travailleur n'a pas prévu ce qui allait se produire ensuite lorsqu'il s'est étiré pour reprendre sa carte bancaire. Bien qu'il s'agisse d'une erreur de jugement, celle-ci ne correspond pas à de la négligence grossière et volontaire au sens de la LATMP et de la jurisprudence. Dans un tel contexte, le travailleur a subi une lésion professionnelle.