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Congédiement modifié en suspension temporaire

Le congédiement d'un livreur travaillant pour un service de traiteur est modifié en suspension de 4 semaines; l'exaspération exprimée par l'employeur au moment de congédier le plaignant, après une énième saute d'humeur, ne permet pas de conclure à la rupture du lien de confiance, de sorte que la réintégration est ordonnée.
30 avril 2025

Intitulé

Pichette c. Buffets Je Reçois inc., 2025 QCTAT 617

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Québec

Type d'action

Plainte en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) à l'encontre d'un congédiement — accueillie.

Décision de

Dominic Fiset, juge administratif

Date

10 février 2025


Décision

Le plaignant, un livreur dans un service de traiteur, a été congédié — il est retenu que, pendant toute la durée de son emploi, il a eu de multiples sautes d'humeur qui se sont manifestées de différentes façons — 3 fautes importantes ont été commises par le plaignant dans les semaines ayant précédé son congédiement — celui-ci a fait irruption dans la salle de préparation des buffets chez le client et a jeté prestement les emballages de jus sur le comptoir en s'adressant à la directrice des ventes de manière inconvenante — le plaignant a commis un geste d'incivilité à l'égard de la directrice — alors que la coordonnatrice de l'événementiel discutait au téléphone avec une cliente, elle a entendu le plaignant blasphémer dans la pièce voisine — elle a suspendu son appel pour aller lui demander de baisser le ton — ce dernier lui a répondu que personne ne l'empêcherait de parler et il l'a sommée, en blasphémant de nouveau, de «se mêler de ses affaires» — il s'agit d'un autre geste d'incivilité commis par le plaignant — l'employeur a détaillé l'événement qui constituerait l'incident culminant pour lequel il a décidé de congédier celui-ci — la responsable des achats s'affairait à vérifier qu'une commande était complète et le plaignant lui a demandé pourquoi elle faisait ça — il a levé le ton, l'a insultée en l'affublant d'un qualificatif peu flatteur et lui a intimé de retourner travailler à son bureau — le plaignant n'a pas contredit la portion du témoignage de l'employeur voulant qu'il ait souhaité qu'il manque des articles dans la commande — il a commis un geste d'incivilité à l'égard de la responsable des achats — le plaignant a aussi commis un geste d'insubordination lorsqu'il a nargué l'employeur — il était justifié que ce dernier sévisse en raison de ce manquement mais, dans le contexte où il n'y avait eu aucune progression des sanctions, le congédiement était une mesure inappropriée — les manquements du plaignant à l'égard de la directrice des ventes et de la coordonnatrice de l'événementiel, commis à peine quelques semaines auparavant, étaient tout aussi sérieux — l'employeur ne leur a toutefois pas accordé le traitement disciplinaire qui aurait permis de faire comprendre au plaignant que de tels agissements n'ont pas leur place dans un milieu de travail — une suspension disciplinaire sans traitement d'une durée de 4 semaines paraît suffisante pour permettre à celui-ci de comprendre la gravité du dernier manquement qu'il a commis — cette mesure est substituée au congédiement.

Le fait que le plaignant se soit rapidement trouvé un autre emploi après son congédiement ne constitue pas un motif permettant de conclure que la réintégration ne devrait pas être ordonnée — le plaignant affirme, sans autre explication, qu'il ne veut pas être en présence de l'employeur dans son milieu de travail et qu'il y a eu rupture du lien de confiance — une telle affirmation ne saurait convaincre le Tribunal de déroger au principe voulant que la réintégration constitue la première mesure de réparation qu'il doit ordonner lorsqu'il accueille une plainte en vertu de l'article 124 L.N.T. — l'employeur prétend également qu'il y a eu rupture du lien de confiance — or, pendant un peu plus de 2 ans, il a su composer avec le caractère bouillant du plaignant — l'exaspération que l'employeur a exprimée en congédiant celui-ci précipitamment, après une énième saute d'humeur, ne saurait conduire le Tribunal à conclure que le lien de confiance a été rompu.