lois-et-reglements / jurisprudence

Une collègue pas reposante, mais ni harcelante, ni dangereuse

Le fait que la plaignante ait tendance à se plaindre, à parler fort, à proférer des injures et à s'emporter lorsque la machinerie est défectueuse ou que la température de l'usine est trop élevée est une source de désagrément pour ses collègues, mais aucun de ces comportements, pris isolément ou dans leur ensemble, ne constitue une manifestation de harcèlement psychologique ou une atteinte à la sécurité des employés de l'usine.
8 avril 2025

Intitulé

Union des employés et employées de service, section locale 800 et Ballin inc. (Virginie Poirier), 2025 QCTA 31

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief contestant un congédiement. Accueilli en partie; une suspension de 6 mois est substituée au congédiement. Objection préliminaire à l'arbitrabilité du grief. Rejetée.

Décision de

Me Denis Nadeau, arbitre

Date

22 janvier 2025


La plaignante, qui occupait le poste de couturière et avait récemment été nommée viceprésidente du syndicat, a été congédiée au motif, notamment, que son comportement en milieu de travail constituait du harcèlement psychologique. Outre sa contestation sur le fond, l'employeur fait valoir que le grief n'a pas été déféré à l'arbitrage dans les délais prévus à la loi.

Décision

Il est vrai que le syndicat a mis plus de 6 mois à saisir le Tribunal du grief. Les parties ont clairement dissocié, à la convention collective, les étapes de la procédure interne de règlement de griefs de celle de l'arbitrage comme tel. Or, une fois l'avis d'arbitrage transmis, la convention ne prévoit aucun délai pour saisir un arbitre du grief. Il ne revient pas au Tribunal, devant des textes clairs et non ambigus, d'ajouter à la convention collective des délais, des précisions ou des obligations qui n'y figurent pas.

Quant au fond, l'employeur n'a pas établi la preuve de «la série de fautes graves», dont les menaces de mort, qu'il reproche à la plaignante au soutien de son congédiement. Il a démontré que la plaignante avait manqué de civilité à l'égard d'une collègue et avait exagéré la nature d'une réaction du directeur au cours de cette conversation privée. En revanche, rien n'établit que la plaignante aurait détérioré le climat travail ou encore compromis la sécurité physique ou psychologique de ses collègues. Le fait que la plaignante ait tendance à se plaindre, qu'elle parle fort, qu'elle blasphème et qu'elle s'emporte parfois lorsque la machinerie est défectueuse ou que la température de l'usine est trop élevée, est une source de désagrément selon les témoins entendus, mais aucun de ces comportements, pris isolément ou combinés, ne constitue une manifestation de harcèlement psychologique ou d'atteinte à la sécurité des employées de l'usine. L'employeur ne peut invoquer à cet égard son obligation de prévenir toute situation de harcèlement ou de protéger la sécurité de ses employées pour justifier le congédiement de la plaignante. Quant au caractère raisonnable de la sanction, l'employeur invoque la récidive. Or, si cette récidive de comportements déplacés justifiait une sanction disciplinaire plus sévère que l'avis disciplinaire remis précédemment, elle ne constitue pas une «faute grave», et encore moins «une série de fautes graves» ou un «cas extrême» permettant d'écarter la règle de la progression des sanctions. Dans un tel contexte, la sanction retenue est trop sévère. Une suspension de 6 mois paraît suffisante pour faire comprendre à la plaignante que son comportement dans l'usine doit toujours être empreint de calme et que ses communications avec ses collègues, même à l'extérieur du travail et lorsqu'elles concernent celui-ci, exigent respect et modération. Si la plaignante assure un rôle syndical, celle-ci doit se rappeler qu'une telle fonction de représentation ne l'autorise pas à des écarts de langage, à des réactions intempestives ou à d'autres exagérations.