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Une chute près de son domicile est un accident « à l’occasion du travail »

Une auxiliaire familiale a fait une chute alors qu'elle se dirigeait vers son véhicule, qui était garé près de son domicile, après avoir reçu son vaccin contre la COVID-19 avant le début de son quart de travail; elle a subi un accident «à l'occasion du travail» puisqu'elle était en service commandé lors de son déplacement.
7 avril 2025

Intitulé

Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l'Est-de-l'Île-deMontréal et Raymond, 2024 QCTAT 4484

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division de la santé et de la sécurité du travail (T.A.T.), Montréal

Type d'action

Contestation par l'employeur d'une décision ayant déclaré que la travailleuse avait subi une lésion professionnelle. Contestation rejetée.

Décision de

Renaud Gauthier, juge administratif

Date

9 décembre 2024


Environ 1 heure avant le début de son quart de travail, la travailleuse, une auxiliaire familiale, se dirigeait vers sa voiture, garée près de son domicile, après avoir reçu sa deuxième dose du vaccin contre la COVID-19. Elle a fait une chute sur la voie publique. Elle a produit une réclamation pour une fracture de la rotule droite. La CNESST a accepté sa réclamation. L'instance de révision a confirmé cette décision.

Décision

La travailleuse a subi un accident du travail. La chute correspond à un événement imprévu et soudain ayant entraîné une blessure au genou droit. De plus, elle est survenue «à l'occasion du travail». La travailleuse était à l'intérieur de sa sphère professionnelle au moment de se faire vacciner. Elle accomplissait alors une tâche à la demande de l'employeur, qui, de concert avec le gouvernement québécois, avait comme responsabilité d'assurer la santé et la sécurité des employés du milieu de la santé et de la population générale, comme le rappelle l'arrêté ministériel 2021-024 (Arrêté concernant l'ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19). La vaccination d'une auxiliaire familiale qui visite chaque jour plusieurs bénéficiaires à leur domicile est utile à l'employeur puisqu'elle réduit les risques de transmission du virus. Le fait que la travailleuse reçoive une compensation financière, qu'elle soit qualifiée d'indemnité ou de salaire, en contrepartie de la vaccination confirme que cette activité est utile à l'employeur. De plus, ce dernier a mis en place plusieurs autres mesures, y compris une assistance pour la prise de rendez-vous et le remboursement des frais de déplacement, afin d'inciter les salariés à recevoir le vaccin. Par ailleurs, l'arrêté 2021-024 prévoit des conséquences sérieuses dans l'éventualité où un travailleur refuse de se faire vacciner, pouvant aller jusqu'à un retrait du travail sans salaire. Une telle mesure administrative vient confirmer le maintien d'un certain lien de subordination entre l'employeur et ses salariés dans le cadre de la vaccination. L'argument de l'employeur, qui considère que le fait de se faire vacciner ou non constitue un choix personnel pour chacun des salariés, n'est donc pas retenu. Bien qu'il soit exact que la décision ultime appartient à chaque personne, il serait absurde de faire fi du contexte associé à la pandémie de COVID-19 et de l'intérêt manifeste de l'employeur de favoriser une vaccination élargie des travailleurs fournissant des soins à la population. Dans Gornicka et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l'Est-de-l'Île-de-Montréal - Centre hospitalier de soins de longue durée Marie-Curie-Sklodowska (T.A.T., 2024-07-05), 2024 QCTAT 2429, SOQUIJ AZ-52041855, 2024EXPT-1402, qui mettait en cause le même employeur, le Tribunal avait conclu qu'une préposée aux bénéficiaires qui subit un accident de la route en se rendant à un test de dépistage se trouve dans sa sphère professionnelle. Le Tribunal arrive au même raisonnement en l'espèce, avec les ajustements nécessaires. La travailleuse se trouvait à une distance de 1,5 kilomètre de l'endroit où elle venait de se faire vacciner lorsqu'elle est tombée et s'est blessée. Elle n'a pas subi d'accident de trajet puisqu'elle n'effectuait pas un déplacement entre son lieu de travail habituel et son domicile. Elle se déplaçait plutôt en lien avec une activité expressément demandée par son employeur. Les déplacements de la travailleuse pour recevoir le vaccin s'approchent de la notion de «service commandé». L'employeur prévoit le remboursement des frais de déplacement engagés pour recevoir le vaccin. Un tel remboursement, bien qu'il ne soit pas applicable à la travailleuse, qui a choisi de marcher pour se rendre à son rendez-vous, démontre sans équivoque l'inclusion des déplacements à la sphère professionnelle de chaque employé qui reçoit le vaccin à l'extérieur de ses heures normales de travail. Rien dans la preuve ne suggère que la travailleuse a dévié du parcours prévu vers son domicile afin d'exercer une autre activité, qui serait alors de nature personnelle. Il n'est pas non plus nécessaire de trancher entre la version de la travailleuse, qui allègue qu'elle se rendait à son véhicule à proximité de son domicile, et celle de l'employeur, qui suggère qu'elle se rendait alors chez elle pour dîner. Qu'une version ou l'autre soit retenue, la travailleuse était en service commandé. Par conséquent, la travailleuse a subi une lésion professionnelle.