Intitulé
Desaulniers c. Kleen-Flo Tumbler Industries Limited, 2025 QCTAT 471
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Montréal
Type d'action
Plaintes en vertu des articles 122.1 et 124 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) à l'encontre d'un congédiement — rejetées.
Décision de
Nancy Martel, juge administrative
Date
31 janvier 2025
Décision
Le plaignant occupait un poste de viceprésident des ventes chez l'employeur, une entreprise de production et de distribution de produits chimiques — il prétend avoir été congédié sans cause juste et suffisante — il soutient également avoir fait l'objet d'une mise à la retraite illégale, conformément à une pratique en usage chez l'employeur et à une clause d'un contrat d'assurance collective — l'employeur allègue que le recours pour congédiement sans cause juste et suffisante n'est pas ouvert au plaignant puisqu'il était un cadre supérieur au sein de l'entreprise — il prétend que le plaignant a volontairement démissionné pour prendre sa retraite — à l'égard de la plainte pour mise à la retraite illégale, l'employeur allègue que le plaignant n'a pas démontré l'existence d'une pratique en usage dans son entreprise — subsidiairement, il avait une cause juste et suffisante pour imposer un congédiement en raison des fautes graves commises par le plaignant — le plaignant participait directement à l'embauche et s'occupait des évaluations de performances, du volet disciplinaire et de la fin d'emploi — bien qu'il ait eu à discuter avec le directeur des opérations de ces aspects et à tenir informée la direction, il avait tout de même tous les pouvoirs nécessaires afin de gérer le personnel — d'un point de vue national, le plaignant faisait partie de la garde rapprochée de la direction — il était la deuxième personne la mieux rémunérée dans l'entreprise, juste après le président — il gérait tant son horaire que ses vacances sans qu'aucune autorisation soit requise — il avait accès à plusieurs informations de nature confidentielle — le plaignant a participé à l'élaboration des décisions de l'entreprise, a établi des stratégies et a déterminé des moyens pour assurer la rentabilité ou la croissance de l'entreprise — ses tâches et responsabilités dépassaient largement celles d'un simple exécutant — il jouissait d'une grande autonomie décisionnelle dans le cadre de ses fonctions — une analyse globale des critères jurisprudentiels et de la preuve établit le statut et l'importance des fonctions qu'occupait le plaignant au sein de l'entreprise — l'absence de droit de veto n'est pas de nature à remettre en question cette conclusion — le plaignant était un cadre supérieur puisqu'il en possédait tous les attributs — il n'a pas accès à la protection prévue à l'article 124 L.N.T.
L'intention de partir à la retraite le 31 décembre 2019 a été clairement manifestée par le plaignant — la rupture unilatérale, le 20 décembre 2019 par l'employeur, du lien d'emploi qui existait toujours, avant l'expiration du terme convenu pour la retraite, équivaut à un congédiement — le plaignant a requis et reçu de nombreuses cartescadeaux, et ce, sans être capable de les rattacher à la transaction correspondante — bien que la preuve ne permette pas d'en déduire qu'il cherchait à se les approprier à son bénéfice personnel, il n'en demeure pas moins qu'il a manqué de transparence et d'honnêteté envers l'employeur en agissant comme il l'a fait, d'autant plus qu'il occupait un poste d'importance qui commandait un haut degré de probité et d'intégrité — les actes du plaignant sont assimilables à une faute grave — l'employeur avait une cause juste et suffisante de le congédier — comme l'obligation de loyauté est la pierre d'assise du lien de confiance dans la relation employeur-salarié, le plaignant, en divulguant à un important client des informations confidentielles de l'entreprise, a commis une deuxième faute grave qui a irrémédiablement rompu ce lien — dès lors, ce motif était également suffisant pour justifier la décision de l'employeur de procéder à son congédiement — aucune progression des sanctions ne pouvait permettre au plaignant de s'amender, d'autant moins qu'il a toujours démenti ses fautes par des explications insoutenables.
En ce qui concerne la plainte de mise à la retraite illégale, le plaignant n'a pas prouvé une pratique en usage chez l'employeur — 2 ans avant sa fin d'emploi, il a reçu le paiement d'un boni de rétention de 228 000 $ — ce fait est irréconciliable avec l'intention qu'aurait eue l'employeur de le pousser contre son gré vers la retraite — le Tribunal ne peut conclure qu'il a atteint ou dépassé l'âge normal de la retraite chez l'employeur — par ailleurs, même s'il avait conclu que la présomption légale s'appliquait, le Tribunal aurait tout de même conclu au rejet de la plainte puisque les motifs de congédiement invoqués par l'employeur constituaient une cause juste et suffisante — dans le cadre de la plainte pour congédiement illégal, l'âge n'a eu aucune incidence sur la décision de l'employeur.