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Suspension des conditions travail durant un lock-out

Puisque le contrat d'assurance exige une présence au travail pour avoir droit aux avantages sociaux, l'employeur pouvait suspendre les conditions de travail afférentes durant un lock-out.
27 mars 2025

Intitulé

Syndicat des travailleuses et travailleurs de Rolls-Royce Canada — CSN et RollsRoyce Canada ltée (grief syndical), 2024 QCTA 549

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief relatif aux avantages sociaux. Rejeté.

Décision de

Me Michael McCrory, arbitre

Date

9 décembre 2024


Le syndicat conteste la décision de l'employeur de suspendre, durant un lock-out, la participation des salariés au régime d'assurance collective. Il invoque au soutien de sa position l'article 59 alinéa 3 du Code du travail (C.tr.) ainsi qu'une clause «de pont» assurant le maintien des conditions d'une convention échue jusqu'à la signature de celle y faisant suite. Pour sa part, l'employeur soutient que le lock-out suspendait l'application de la convention collective et le libérait incidemment de toutes ses obligations conventionnelles.

Décision

L'article 59 C.tr. accorde à l'employeur la faculté de modifier les conditions de travail à partir du moment où le droit au lock-out ou à la grève est exercé. Il prévoit également la possibilité pour les parties de maintenir l'application des conditions de travail jusqu'à la conclusion d'une nouvelle convention collective, comme l'ont fait celles en l'espèce au moyen de la clause «de pont». Il existe un certain débat dans la jurisprudence quant aux effets d'une telle clause durant une grève ou un lock-out. Selon le courant majoritaire, un lock-out suspend les conditions de travail même en présence d'une telle clause (Syndicat des employés de Daily Freight (CSN) c. Imbeau (C.A., 2003-02-13), SOQUIJ AZ-50162253, J.E. 2003-433, D.T.E. 2003T-213, [2003] R.J.Q. 452, [2003] R.J.D.T. 75). Quant au courant minoritaire, il considère que cette clause permet de maintenir en vigueur certaines des conditions de travail. Bien que ces 2 courants puissent sembler contradictoires à première vue, la nature des réclamations en cause ainsi que le texte conventionnel permettent de les concilier, comme l'a fait un arbitre dans Association des juristes de l'État québécois et Agence du revenu du Québec (griefs individuels, Daniel Martel-Croteau et autres), (T.A., 2022-11-01), 2022 QCTA 478, SOQUIJ AZ-51892323, 2022EXPT-2499.

Le présent tribunal adhère au courant jurisprudentiel majoritaire. Ni la convention collective ni l'article 59 C.tr. n'ont l'effet invoqué par le syndicat dans le présent dossier. De toute façon, le fait de suivre le courant minoritaire en l'espèce mènerait vraisemblablement à un résultat identique. En effet, la convention stipule que les avantages sont assujettis aux conditions contenues dans les polices d'assurance de l'assureur, «par lesquelles est établie l'éligibilité aux dits avantages». Le contrat d'assurance précise que, pour être admissible aux garanties collectives, le salarié doit, entre autres choses, travailler effectivement pour le compte de l'employeur au moins 30 heures par semaine. Selon ce contrat, un salarié est considéré comme «effectivement au travail» les jours où il accomplit toutes les fonctions habituelles de son emploi. Le contrat indique également que la couverture prend fin notamment lorsqu'il cesse de le faire. Ainsi, le contrat d'assurance exige qu'un salarié soit effectivement au travail pour être admissible aux avantages sociaux. Il s'agit d'une condition de travail qui ne peut être maintenue durant un lock-out. Enfin, il est vrai que la clause en question stipule que le maintien des conditions énoncées dans la convention collective ne doit pas porter préjudice aux droits de l'une ou de l'autre des parties d'avoir recours à la grève ou au lock-out. De l'avis du Tribunal, cette stipulation ne veut pas dire que la convention collective continue de s'appliquer pendant l'un ou l'autre de ces événements. Elle se veut plutôt une reconnaissance que la clause doit être interprétée d'une manière compatible avec le droit de grève ou de lock-out.