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Dommages-intérêts pour congédiement abusif

La conduite de l'employeur constitue un abus de droit justifiant des dommages-intérêts supérieurs à ce que l'on voit généralement en jurisprudence, vu la durée de tout le processus ayant mené au congédiement du demandeur et les motifs dégradants qu'il a fait valoir à l'encontre de celui-ci durant l'instance.
24 février 2025

Intitulé

Vaes c. Service d'administration PCR ltée, 2024 QCCS 3967

Juridiction

Cour supérieure (C.S.), Bedford (Cowansville)

Type d'action

Demande en réclamation de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail et abus de droit. Accueillie.

Décision de

Juge Claude Dallaire

Date

30 octobre 2024


Trois jours après avoir promu le demandeur au poste de directeur du transport spécialisé afin de redresser une division chancelante, la défenderesse a fait volte-face. Le demandeur a ainsi reçu l'instruction de retourner immédiatement chez lui sans poser de questions, avec pour seule information qu'il avait été victime de l'erreur d'un gestionnaire. Quelques semaines plus tard, il a été rétrogradé dans ses anciennes fonctions, puis licencié et, enfin, congédié sans jamais qu'on lui explique ce qu'on lui reprochait. Outre un délai de congé, il réclame des dommages-intérêts pour congédiement abusif.

Décision

La défenderesse a échoué dans sa démonstration de l'existence de motifs sérieux pour congédier le demandeur sans préavis. La preuve démontre au contraire que celui-ci s'acquittait de ses tâches en respectant, voire en dépassant à certains égards, les attentes de ses supérieurs. Pour ses 3 ans d'ancienneté, le Tribunal lui accorde à titre de délai de congé l'équivalent de 3 mois de salaire. Le demandeur a aussi démontré son droit à des dommages moraux en raison de la manière dont il a été traité, que ce soit lors de la période concomitante de la rétrogradation, lors du congédiement ou après celui-ci. Le Tribunal retient notamment l'humiliation qu'on lui a fait subir et les nombreux motifs de congédiement invoqués par la défenderesse qui se sont révélés sans fondement et, par conséquent, dégradants. Il s'agit d'un abus de droit justifiant des dommages-intérêts supérieurs à ce que l'on voit généralement dans la jurisprudence, et ce, vu la durée du processus et la nonchalance démontrée par l'employeur dans ses tentatives de prouver le caractère sérieux des motifs de congédiement allégués. Le traitement du demandeur à titre de cadre intermédiaire a été déraisonnable, et ce, jusqu'à la fin des plaidoiries. Il est inacceptable de laisser un employé pendant des mois, voire des années, essayer de deviner ce qu'il a pu faire d'incorrect ou de grave pour être ainsi traité. De plus, la manoeuvre de «tablettage» tentée par la défenderesse lorsqu'elle a laissé le demandeur sans nouvelles dans l'espoir que celui-ci se lasse et finisse par quitter l'entreprise de lui-même est tout aussi discutable. La somme de 25 000 $ est donc accordée à titre de dommages non pécuniaires. Quant à l'indemnité pour perte de chance, le demandeur a démontré qu'il détenait un projet de contrat avec un tiers dont le contenu sur les éléments essentiels propres à un contrat de travail était très élaboré et qu'il était prêt à l'accepter, même s'il y avait encore des éléments à régler. Cela suffit pour s'acquitter du fardeau de preuve en pareille matière. L'indemnité réclamée doit cependant subir certains ajustements à la baisse afin de tenir compte de certains revenus gagnés et d'éviter que le demandeur ne s'enrichisse aux dépens de la défenderesse, ce qui porte l'indemnité à 88 683 $.