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Congédier pour payer moins cher

Le licenciement d'un directeur général des achats à la suite d'une restructuration constitue un congédiement déguisé; le caractère expéditif de la fin d'emploi, sans autre option, démontre que l'employeur ne désirait pas garder ce dernier à son service, et ce, peu importe son salaire.
3 février 2025

Intitulé

Bernard c. Groupe BMTC inc., 2024 QCTAT 3825

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Montréal

Type d'action

Plainte en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail à l'encontre d'un congédiement déguisé — accueillie.

Décision de

Henrik Ellefsen, juge administratif

Date

25 octobre 2024


Décision

Le plaignant occupait le poste de directeur général des achats dans une entreprise détenant des magasins de meubles — l'employeur prétend qu'il l'a licencié à la suite d'une restructuration — la preuve démontre qu'il y a eu une réelle réorganisation des affaires de l'entreprise et que le poste du plaignant a véritablement été aboli — un employeur doit toutefois, dans un contexte de réorganisation, entreprendre des démarches sérieuses démontrant son désir de maintenir à son service un salarié qui justifie de plusieurs années d'ancienneté — il ne peut profiter de la situation pour se débarrasser d'une personne qu'il ne désire plus employer — il s'agirait alors d'un congédiement déguisé — en l'espèce, l'employeur disposait, en la personne du plaignant, d'un gestionnaire compétent et expérimenté dans le domaine des achats qui cumulait près de 40 ans de service dans l'entreprise et il disait lui-même n'avoir rien à lui reprocher — il a remercié le plaignant sans même vérifier si celui-ci accepterait une baisse de salaire ou une réaffectation pour conserver son lien d'emploi et il a confié un poste de direction aux achats à une personne moins expérimentée simplement parce qu'il pouvait le payer moins cher — bien que le critère salarial invoqué paraisse objectif de prime abord, la façon dont l'employeur l'a appliqué permet de penser qu'il s'agit plutôt d'un prétexte pour se débarrasser du plaignant — le caractère expéditif de la fin d'emploi, sans autre option offerte, démontre en fait qu'il ne désirait pas garder le plaignant à son service, et ce, peu importe le salaire — le plaignant a fait l'objet d'un congédiement déguisé — le congédiement est annulé — étant donné la réorganisation de l'entreprise, l'abolition du poste qu'occupait le plaignant et la volonté exprimée par les parties à cet égard, la réintégration n'est pas souhaitable et ne sera pas ordonnée — le Tribunal réserve sa compétence pour déterminer les mesures de réparation appropriées, autres que le remboursement du salaire perdu, et régler les difficultés susceptibles de résulter de sa décision, le cas échéant.