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Harcèlement psychologique : enquête déficiente

L'appréciation de la situation par l'employeur souffre de faiblesses évidentes, aucune démarche n'ayant été entreprise afin de recueillir la version du plaignant et de valider le contenu de la dénonciation dont celui-ci a fait l'objet de la part d'une collègue.
14 janvier 2025

Intitulé

Université du Québec à Chicoutimi et Syndicat des professeures et professeurs de l'Université du Québec à Chicoutimi (Luc Vaillancourt), 2024 QCTA 429

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief pour harcèlement psychologique. Accueilli en partie.

Décision de

Me Pierre-Georges Roy, arbitre

Date

18 septembre 2024


Le plaignant occupe un poste de directeur de programme. Le syndicat reproche à l'employeur d'avoir pris fait et cause pour une subordonnée du plaignant qui s'était plainte d'une conduite vexatoire de la part de ce dernier, et ce, sans avoir au préalable cherché à obtenir la version des faits du plaignant. Cette dénonciation aurait mené l'employeur à formuler des attentes à l'égard du plaignant afin de faire cesser la conduite reprochée. De plus, l'employeur n'aurait donné aucune suite à une lettre dans laquelle le plaignant soutient être victime de harcèlement de groupe («mobbing») ainsi que de harcèlement psychologique.

Décision

À la lumière de la preuve, il n'est pas possible de conclure que la conduite du plaignant était motivée par des intentions malveillantes ou inacceptables à l'endroit de la présumée victime. Par ailleurs, aucune démarche n'a été entreprise par les représentants de l'employeur pour recueillir la version du plaignant afin de valider le contenu de la dénonciation de cette personne et l'exactitude des faits rapportés. Aucune autre vérification n'a été effectuée non plus auprès de collègues ou encore à partir de la documentation disponible, comme les courriels transmis par les principaux intéressés, afin de tenter de prendre la réelle mesure de la situation. Il est manifeste que les représentants de l'employeur ont retenu, sans se questionner ni faire davantage de vérifications, les allégations de la présumée victime comme étant fondées. Le ressenti de celle-ci a en effet été considéré comme traduisant des faits établis de façon prépondérante. L'employeur a alors choisi d'exposer ces «faits» au plaignant afin qu'il prenne conscience des erreurs commises, y ajoutant l'énoncé d'attentes afin de l'empêcher de continuer à commettre les mêmes gestes prétendument illégaux. Cette démarche avait par ailleurs un caractère assez définitif, comme si l'affaire avait été entendue de façon finale. Or, à aucun moment l'employeur n'a cherché à connaître la version des faits du plaignant avant d'en arriver à cette conclusion. En somme, il n'est pas possible de conclure à la validité de la démarche patronale dans le cadre de ce dossier. L'appréciation de la situation faite par l'employeur souffre de faiblesses évidentes. Le Tribunal annule la lettre d'attentes et ordonne à l'employeur de traiter la lettre de dénonciation du plaignant.