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Harcèlement psychologique : employeur exemplaire

La surveillance excessive qu'a exercée une gérante à l'égard du plaignant, un assistant-gérant, constitue du harcèlement psychologique; la plainte (art. 123.6 L.N.T.) est toutefois rejetée, car l'employeur est intervenu pour corriger la situation dès qu'il en a été informé, respectant ainsi son obligation de faire cesser le comportement en cause.
8 janvier 2025

Intitulé

Cunningham c. Couche-Tard inc., 2024 QCTAT 3601

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Laval

Type d'action

Plaintes en vertu de l'article 123.6 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) pour harcèlement psychologique — rejetée.

Décision de

Mylène Alder, juge administrative

Date

9 octobre 2024


Décision

Le plaignant, un assistant-gérant dans un magasin, prétend avoir subi du harcèlement psychologique dès la première année de son emploi — il affirme que son coordonnateur et supérieur immédiat lui aurait dit à 1 occasion de travailler plus fort en raison de la couleur de sa peau — la preuve ne permet pas de conclure que de telles paroles discriminatoires ont été prononcées — le plaignant allègue que l'employeur l'a obligé à nettoyer le magasin après qu'un employé eut contracté la COVID-19, au début de la pandémie — la preuve ne permet pas de conclure que cette assignation constitue une action humiliante, dégradante ou abusive à son égard — cela faisait partie des responsabilités générales du plaignant, à titre de gestionnaire du magasin, de voir à la propreté des lieux — ce dernier affirme en outre que, en pleine pandémie, un gérant l'aurait agressé physiquement en retirant son masque pour crier contre lui et lui cracher au visage — la seule affirmation du plaignant ne démontre pas que cette agression s'est produite de façon probable — son témoignage est vague et paraît teinté par sa perception subjective voulant qu'il soit une victime — le témoignage du gérant qui relate l'incident de manière claire et cohérente est plus crédible — bien que le système de paie et de vérification des heures travaillées ne soit pas optimal et qu'il soit propice aux erreurs, de telles erreurs ne constituent pas des conduites abusives, humiliantes, dénigrantes ou blessantes envers le plaignant — celui-ci prétend que l'employeur lui a fait des reproches sur la qualité de son travail sans lui fournir de formation adéquate — seul le troisième volet de la formation des assistants-gérants n'a pu être offert au plaignant, cette formation ayant été momentanément suspendue pendant la première année de la pandémie en raison des restrictions sanitaires — ces explications sont plausibles — le plaignant prétend aussi qu'une gérante a abusé de son droit de direction à son endroit — celle-ci le surveillait sans cesse pour le sanctionner au moindre écart — de telles conduites de la part de la gérante en cause se sont produites — l'employeur semble avoir fait une gestion serrée du dossier de santé et de sécurité au travail du plaignant, mais rien dans la preuve ne permet de conclure que cette gestion a dépassé les limites raisonnables de son pouvoir de direction — la grande majorité des allégations de harcèlement psychologique du plaignant relève de sa perception subjective et n'est pas appuyée par la preuve — seules celles liées à la surveillance et au contrôle excessifs d'une gérante à son endroit font l'objet d'une preuve prépondérante voulant que ces comportements constituent du harcèlement psychologique — la preuve révèle toutefois que l'employeur a pris des moyens raisonnables pour faire cesser ces conduites dès que le plaignant les lui a dénoncées.

Plainte en vertu de l'article 124 L.N.T. à l'encontre d'un congédiement — rejetée — le plaignant allègue avoir fait l'objet d'un congédiement déguisé — il prétend que l'employeur a modifié substantiellement et unilatéralement ses conditions de travail en modifiant ses tâches, en diminuant ses heures de travail et en l'affectant à des quarts de nuit alors qu'il travaillait de jour — le plaignant ne peut se plaindre en octobre 2021 de sa rétrogradation au poste d'assistant-gérant survenue en juillet 2020 — la Loi sur les normes du travail prévoit que le recours pour congédiement sans cause juste et suffisante doit être déposé dans un délai de 45 jours — en ce qui concerne les tâches assignées au plaignant à l'été 2021, ce sont celles qui étaient prévues par son assignation temporaire de travaux légers en raison des limitations retenues par ses médecins à partir de décembre 2020 — le plaignant ne peut reprocher à l'employeur de respecter la législation en santé et en sécurité du travail — quant à sa prétention selon laquelle l'employeur a diminué ses heures de travail, elle s'explique aussi par ces limitations fonctionnelles et elle n'a, au surplus, aucune incidence puisque la CNESST a compensé le manque à gagner — le plaignant affirme que l'employeur le faisait travailler seul et lui imposait des quarts de nuit — le magasin n'était cependant pas ouvert la nuit — une personne raisonnable placée dans la même situation que le plaignant n'aurait pas considéré, à la lumière de telles assignations, que l'employeur lui imposait une modification substantielle d'une condition essentielle de son contrat de travail, en violation de celui-ci — la preuve ne permet pas de conclure à un congédiement déguisé.