Intitulé
Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CIUSSS de la Capitale-NationaleCSN et Centre hospitalier universitaire de Québec (CHU de Québec) (Marie-Hélène Roberge), 2024 QCTA 392
Juridiction
Tribunal d'arbitrage (T.A.)
Type d'action
Réclamation de dommages-intérêts. Accueillie en partie.
Décision de
Me Dominic Garneau, arbitre
Date
28 juin 2024
Le Tribunal a accueilli le grief contestant la décision de l'employeur de mettre fin à la période d'initiation et d'essai de la plaignante au Centre hospitalier universitaire de Québec en février 2016, laquelle a entraîné son retour dans son ancien poste au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale (CIUSSS). En plus des pertes salariales que la plaignante aurait subies entre mars 2018 et sa démission, en mars 2020, le syndicat réclame des dommages pécuniaires de 9 000 $ ainsi que 1 000 $ à titre de dommages punitifs.
Décision
Même si la période d'essai de la plaignante s'était déroulée dans des conditions adéquates, le protocole de transfert prévoyait la possibilité qu'elle retourne au CIUSSS jusqu'au 31 mars 2016. La plaignante y est effectivement retournée le 27 février 2016 et elle n'a subi aucune perte financière en lien avec ce transfert. Le Tribunal ne peut souscrire à l'argument du syndicat voulant que la conduite fautive de l'employeur durant la période d'essai ait eu pour effet de créer un climat de travail néfaste au CIUSSS, de sorte que la plaignante n'a pas pu y retourner en mars 2018 au terme d'une période d'invalidité. Les notes médicales sur lesquelles cet argument est fondé sont antérieures à la période visée par la réclamation et le dossier médical de la plaignante contient une lettre dans laquelle elle décrit de nombreux événements dépassant largement le cadre de sa période d'essai chez l'employeur et dont il ne peut être tenu responsable.
Sans avoir été animé par une intention malveillante ou malicieuse à l'endroit de la plaignante, l'employeur n'a pas agi de façon équitable envers elle. Alors qu'elle était ciblée par les commentaires négatifs de ses collègues, l'employeur n'a considéré que ses propres intérêts et n'a pas véritablement entendu les explications de la plaignante. Une telle conduite de l'employeur était une forme d'abus de droit susceptible d'entraîner sa responsabilité civile. La plaignante affirme que l'échec de sa période d'initiation a eu des effets dévastateurs sur son milieu de travail au CIUSSS qui ont perduré jusqu'à sa démission. Elle explique s'être sentie humiliée, blessée et démoralisée. Sans remettre en question le préjudice décrit par la plaignante, il ressort de la preuve que son stress et son anxiété découlaient non seulement de l'échec de sa période d'essai, mais également de problèmes relevant de sa vie personnelle. En considérant l'ensemble des circonstances, le lien entre la conduite de l'employeur et les inconvénients décrits par la plaignante alors qu'elle était de retour au CIUSSS paraît plutôt ténu. Néanmoins, le Tribunal est convaincu que la manière dont s'est déroulée la période d'essai de la plaignante a exacerbé l'anxiété et le stress qu'elle ressentait déjà. Compte tenu de l'ensemble des faits, le Tribunal estime qu'une somme de 3 000 $ compense amplement les dommages non pécuniaires liés à la conduite fautive de l'employeur.
La réclamation pour dommages punitifs n'est pas fondée. Même si le Tribunal a reconnu que la plaignante avait subi un préjudice non pécuniaire découlant de la conduite de l'employeur, la preuve ne permet pas de conclure à une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnue par la Charte des droits et libertés de la personne. Par ailleurs, l'employeur ne s'est pas comporté d'une manière à porter atteinte aux droits fondamentaux de la plaignante.
Réf. ant : (T.A., 2023-04-13), 2023 QCTA 150, SOQUIJ AZ-51929451, 2023EXPT-1221, A.A.S. 2023A-45.