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Une pause non prise n’est pas une pause perdue

L'employeur ne peut décider que les salariés perdent le bénéfice des périodes de repos rémunérées qu'ils sont incapables de prendre en raison des besoins du service; au contraire, il doit alors leur offrir une période de remplacement ou une compensation financière.
12 décembre 2024

Intitulé

Syndicat des employé-e-s de l'Université de Montréal, section locale 1244 (SCFPFTQ) c. Université de Montréal (grief syndical), 2024 QCTA 369

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief relatif à l'horaire de travail. Accueilli en partie.

Décision de

Me Richard Bertrand, arbitre

Date

15 août 2024


Le syndicat conteste un courriel envoyé par l'employeur aux termes duquel il annonçait que si un technicien en santé animale se trouve dans l'impossibilité, en raison de l'achalandage, de bénéficier de sa période de repos, celle-ci ne sera pas rémunérée au taux des heures supplémentaires. Il y précisait également que ces périodes ne sont pas cumulatives et ne peuvent être arrimées à une période de repas pour en prolonger la durée ou à la fin de la journée pour écourter le quart de travail. Il concluait en mentionnant qu'une pause qui n'est pas prise serait perdue.

Décision

Selon la convention collective, un salarié a droit, sans perte de traitement, à une période de repos de 15 minutes par demi-journée de travail. Les mots «a droit» ne laissent planer aucun doute sur le caractère impératif de cet avantage et, conséquemment, sur les obligations qui en découlent de la part de l'employeur. Le fait que cette période soit sans perte de traitement constitue un avantage et non un motif permettant à l'employeur de considérer que, parce qu'il est payé, non seulement le salarié doit être réputé au travail, mais qu'il peut également se voir imposer l'obligation de travailler, sans contrepartie. L'employeur ne peut donc dépouiller les salariés de leur période de repos s'ils sont empêchés de s'en prévaloir en raison des besoins du service. Au contraire, il a l'obligation d'offrir une période de repos en remplacement ou une compensation financière. En revanche, les parties à la convention ont choisi de ne pas déterminer les modalités d'exercice du droit à la période de repos. Dans un tel contexte, son encadrement relève des droits résiduaires de l'employeur. Ainsi, dans la mesure où ces exigences n'ont pas pour effet de priver un salarié de son droit de prendre une période de repos, l'employeur peut fixer certaines balises. En l'espèce, et pour des raisons d'efficacité du service et d'utilisation bien comprise de sa mission, l'employeur a choisi de laisser les salariés déterminer eux-mêmes le moment où ils prévoient se prévaloir de leurs périodes de repos, sous réserve de l'interdiction de l'arrimer à la période de repas ou de la prendre en fin de quart de travail. Cette restriction est raisonnable. En effet, le but de la période de repos étant par définition de permettre à l'employé de se reposer, il est raisonnable qu'elle serve à scinder 2 périodes de travail et non qu'elle soit accolée à une période de repas ou au départ de l'employé. Enfin, contrairement à la situation factuelle de certains précédents soumis par le syndicat, où il est question de travail effectué «en plus» de la journée régulière, la convention fait ici référence à du travail effectué «en dehors de la journée régulière». Or, la journée régulière de travail étant définie comme une journée de 7 heures et la semaine régulière, de 35 heures, la période de repos se situe donc à l'intérieur de ces paramètres. Autrement dit, il ne saurait être question d'heures supplémentaires. Ainsi, lorsqu'un salarié est privé d'une période de repos, l'employeur doit soit lui offrir une période de remplacement, soit le rémunérer à taux simple pour le travail effectué en surplus de ce qui était prévu.