Intitulé
Thibault et Ministère des Transports et de la Mobilité durable, 2024 QCCFP 18
Juridiction
Commission de la fonction publique (C.F.P.)
Type d'action
Plainte en vertu de l'article 81.20 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) pour harcèlement psychologique. Rejetée.
Décision de
Pierre Arguin, membre suppléant, juge administratif
Date
3 septembre 2024
La plaignante était enquêtrice-informatique à la Direction des enquêtes et de l'audit interne (DEAI) du ministère des Transports et de la Mobilité durable. Elle invoque une série d'événements au cours desquels sa cheffe d'équipe aurait adopté une conduite vexatoire à son égard et reproche au directeur de la DEAI d'avoir omis d'intervenir afin de mettre fin au harcèlement qu'elle subissait. Elle soutient également que la suite donnée par l'employeur et certains de ses intervenants au signalement qu'elle a fait auprès du répondant ministériel en matière de conflits et de harcèlement psychologique a été marquée par des conduites vexatoires, dont l'abolition de son poste et son déplacement dans une autre unité administrative.
Décision
La version de la plaignante est largement empreinte de subjectivité et d'un manque de recul, en plus d'être peu nuancée et caractérisée par une forte propension à exagérer l'importance ou la gravité de certaines situations. La Commission de la fonction publique a pu écouter l'enregistrement d'un interrogatoire mené dans le cadre d'un important dossier d'enquête et au cours duquel la plaignante a exagéré les faits en affirmant que sa cheffe d'équipe avait interrompu chacune de ses interventions ou ne lui avait laissé aucune place. La plaignante soutient également que son projet de rapport d'enquête a fait l'objet de tant de commentaires et de modifications qu'il était méconnaissable. Or, cela relève des relations professionnelles normales dans le cadre de l'élaboration d'un document important en milieu de travail. En effet, cela peut mener à certaines situations conflictuelles, sans pour autant constituer du harcèlement psychologique. La plaignante soutient que ce dossier d'enquête a été l'élément déclencheur du harcèlement et de la détérioration du climat de travail. Lors d'une rencontre d'équipe survenue en novembre 2018, le directeur a demandé un suivi de tous les dossiers ouverts. La plaignante a éprouvé de grandes difficultés à répondre aux questions persistantes de sa cheffe d'équipe parce qu'elle n'avait pas travaillé récemment dans ses dossiers ni révisé les informations au préalable. Aussi fâcheux qu'il ait pu être, le comportement de la cheffe d'équipe ne saurait équivaloir à une conduite vexatoire puisqu'il ne s'agissait pas de gestes répétés. Cela équivalait au mieux à un acte d'incivilité. Au surplus, le directeur a prestement abordé ce problème avec la cheffe d'équipe afin d'éviter que cela ne se reproduise.
La plaignante reproche au directeur d'avoir omis d'intervenir à compter du 28 février 2019 lorsqu'elle l'a informé des différentes difficultés qu'elle vivait au travail. L'enregistrement de cette conversation, lequel a été fait à l'insu du directeur, ne révèle aucune conduite vexatoire et semble plutôt avoir été réalisé afin de bonifier le signalement déposé quelques jours plus tôt par la plaignante auprès du répondant ministériel. À la suite de ce signalement, l'employeur a annoncé la tenue d'une enquête externe qui n'a pu être terminée en raison des absences pour cause d'invalidité de la cheffe d'équipe et de la plaignante. L'argument de cette dernière selon lequel la suspension de l'enquête constituait une manifestation de harcèlement à son égard est sans fondement. La plaignante prétend que l'abolition de la DEAI et de son poste correspond à des conduites vexatoires de la part de l'employeur. La preuve a plutôt démontré que, pendant l'absence de la plaignante pour cause d'invalidité, certaines activités de la DEAI ont été transférées à d'autres unités administratives à la suite de la mise en place de l'Autorité des marchés publics. Le poste de la plaignante n'a pas été aboli à l'occasion de cette réorganisation, mais celle-ci n'a pas été réintégrée dans ses fonctions lorsqu'elle est redevenue apte au travail, à l'été 2019. Les mesures d'apaisement adoptées au début de l'enquête externe étaient toujours applicables et prévoyaient que la plaignante devait se trouver le moins possible en présence des personnes visées par son signalement de harcèlement. En outre, lors de la réorganisation, l'employeur a conclu que la DEAI n'avait besoin que de 1 seul enquêteur-informatique et c'est le salarié le plus qualifié et ayant le plus d'ancienneté qui a conservé son poste. La décision de ne pas réintégrer la plaignante dans son poste était donc justifiée. Cette dernière a accepté d'être affectée dans une autre unité administrative, mais elle considère que son intégration a été mal planifiée. Or, il a été démontré que l'unité a pris tous les moyens à sa disposition pour l'accueillir le mieux possible, et ce, en pleine période estivale et alors qu'il y avait une situation d'urgence.
La plaignante n'a pas démontré avoir fait l'objet de harcèlement psychologique au sens de l'article 81.18 L.N.T. Cela ne signifie pas que tout s'est déroulé de manière idéale ou parfaite pendant la période où elle a travaillé à la DEAI ni qu'elle n'a pas ressenti les sentiments et émotions qu'elle soutient avoir éprouvés. Toutefois, l'appréciation objective des événements relatés ne permet pas de conclure à une conduite vexatoire à son endroit. Au surplus, l'employeur a pris les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et faire cesser toute conduite susceptible d'y ressembler.