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Harcèlement psychologique

Un barman et barista dans un bar de loterie vidéo a fait l'objet de harcèlement psychologique de la part du propriétaire du bar et de la conjointe de celui-ci; sa réintégration est inappropriée, l'entreprise requérant les services d'environ 4 personnes.
23 décembre 2024

Intitulé

Mahfoud c. 9063-3090 Québec inc., 2024 QCTAT 3170

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Montérégie

Type d'action

Plaintes en vertu des articles 122 et 123.6 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) à l'encontre d'une pratique interdite et pour harcèlement psychologique — accueillies.

Décision de

Maude Pepin Hallé, juge administrative

Date

5 septembre 2024


Décision

Le plaignant, un barman et barista dans un bar de loterie vidéo, a fait l'objet de harcèlement psychologique de la part du propriétaire et de la conjointe de celui-ci — les reproches que l'employeur formule à son égard auraient pu donner lieu à des mesures disciplinaires — ce dernier n'établit toutefois aucun lien entre les événements invoqués par le plaignant et son droit de direction de contrôler sa prestation de travail — l'employeur ne fournit pas de justification au congédiement intempestif du plaignant en mai 2022 — il ne prétend pas que celui-ci avait alors commis une faute — le propriétaire du bar ne semble pas se souvenir d'avoir congédié le plaignant ni de l'avoir injurié — il n'offre pas non plus d'explication pour justifier le retrait de 1 de ses 4 quarts de travail — en tant qu'employeur, il pouvait demander au plaignant de ne pas dénoncer le travail de ses collègues par message texte — en injuriant et en invectivant ce dernier devant la clientèle ou en apposant des autocollants partout pour lui donner des directives, les représentants de l'employeur ont commis des gestes hostiles et abusifs tendant à l'humiliation — ils n'ont pas exercé leur droit de direction de bonne foi — le fait de surveiller abusivement ou déraisonnablement un salarié au moyen de caméras peut participer d'un exercice déraisonnable des droits de la direction et constituer dans certains cas du harcèlement psychologique — le propriétaire appelait le plaignant pour lui faire comprendre qu'il le regardait exécuter sa prestation de travail et qu'il enregistrait ses conversations — il le rappelait ensuite régulièrement sans raison pour se moquer de lui — les insultes que le propriétaire a proférées dès le début de l'emploi du plaignant alors qu'il refusait de lui remettre les pourboires qui lui étaient dus ou qu'il commentait sa façon de se vêtir dans ce contexte de subordination hiérarchique constituaient des gestes hostiles et non désirés — ces gestes ont été commis à répétition par les représentants de l'employeur à partir de l'embauche du plaignant, en septembre 2021, jusqu'à sa fin d'emploi, en août 2022 — une personne raisonnable qui aurait vécu ces mêmes événements se serait sentie humiliée, méprisée et atteinte dans sa dignité, ce qui constitue l'aspect vexatoire d'une conduite — rien dans les faits rapportés par le propriétaire et sa conjointe ne permet de relativiser cette conduite vexatoire afin d'en faire porter une partie de la responsabilité au plaignant — l'employeur n'établit pas qu'il a mis en place une politique en matière de harcèlement psychologique — il n'explique pas non plus quelle action il aurait mise en oeuvre pour prévenir ce type de harcèlement — les gestes constituant la conduite vexatoire ont été accomplis par le propriétaire et sa conjointe, qui sont les représentants de l'employeur — ce dernier ne pouvait donc en ignorer la survenance — si tant est que l'employeur puisse ne pas avoir compris que les gestes étaient hostiles et non désirés, le plaignant a commencé à dénoncer ouvertement le comportement du propriétaire et de sa conjointe à partir du 24 juillet 2022 — même s'il n'a pas utilisé le terme «harcèlement», ses propos étaient clairs — l'employeur n'a pas pris de moyens raisonnables pour empêcher que la situation ne se produise, ne se perpétue ou ne s'aggrave jusqu'au point où le plaignant a demandé un congé pour cause de maladie en lien avec cette problématique.

Le plaignant remplit les conditions d'ouverture au recours en vertu de l'article 122 L.N.T — l'employeur a effectué des gestes pour se débarrasser de lui et entraîner sa démission dès le 5 août 2022, notamment le retrait de 1 de ses quarts de travail et le harcèlement psychologique — le Tribunal conclut au congédiement déguisé à cette date — le plaignant avait exercé de façon concomitante les droits suivants: la prise d'un congé de 2 jours pour cause de maladie, la réclamation de sa rémunération ainsi que des demandes de renseignements à la CNESST — l'employeur n'a pas repoussé la présomption — il n'est pas parvenu à expliquer les reproches qu'il formule à l'endroit du plaignant ni les gestes que le propriétaire a effectués — il allègue également que le plaignant n'a pas fourni de certificat médical afin de justifier son absence pour cause de maladie à partir du 19 août 2022 — cette exigence, qui pourrait être réelle et sérieuse, est largement contaminée par le dessein illégal de se départir du plaignant en représailles à l'exercice de ses droits — elle constitue un prétexte — le congédiement est annulé.

La réintégration est inappropriée étant donné les conclusions quant au harcèlement psychologique auquel se sont livrés le propriétaire et sa conjointe à l'égard du plaignant, alors que l'entreprise ne requiert les services que d'environ 4 personnes — le plaignant a renoncé à l'ordonnance de réintégration en vertu de son recours à l'encontre d'une pratique interdite à partir du moment où ses 2 plaintes ont été accueillies.