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Des bénévoles ne sont pas des salariés

Les patrouilleurs bénévoles dont l'employeur, l'exploitant d'une station de ski, demande l'inclusion dans l'unité de négociation ne sont pas des salariés; les avantages qu'ils reçoivent ne constituent pas une rémunération, mais plutôt une compensation, un cadeau ou une forme de récompense pour leur contribution.
3 décembre 2024

Intitulé

Syndicat des travailleuses et travailleurs de Val St-Côme (CSN) c. Station touristique Val St-Côme inc., 2024 QCTAT 2837

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), MauricieCentre-du-Québec

Type d'action

Requête en accréditation — accueillie.

Décision de

Line Lanseigne, juge administrative

Date

5 août 2024


Décision

L'employeur exploite une station de ski — en 1990, le syndicat requérant a été accrédité pour représenter tous les salariés de l'employeur affectés à l'exploitation de la montagne et du chalet, à l'exclusion des patrouilleurs bénévoles et du «responsable caisses, réception-accueil» — son accréditation a été révoquée en mars 2024 — le lendemain, le syndicat a déposé la présente requête en vue de représenter le même groupe de salariés — l'employeur s'oppose à ce que les patrouilleurs bénévoles soient exclus de l'unité puisqu'ils ont les mêmes responsabilités et sont affectés aux mêmes tâches que les patrouilleurs rémunérés, leurs fonctions étant interchangeables et interdépendantes — par ailleurs, il y a désaccord entre les parties relativement au statut de salarié de 2 personnes — la réalité prochaine de retour au travail de 3 salariés est également une source de litige — avant d'appliquer les critères qui le guident pour déterminer si l'unité demandée par le syndicat est appropriée, le Tribunal doit vérifier si les patrouilleurs bénévoles sont des salariés — le travail bénévole des patrouilleurs ne les place pas dans un cadre comportant un lien de subordination à l'égard de l'entreprise — même si ceux-ci doivent se conformer aux règles de sécurité imposées et qu'ils font l'objet d'un certain encadrement, ils travaillent au sein de l'entreprise sans y être obligés et selon leur propre volonté — ils ne sont pas liés à l'employeur par un contrat de travail, mais ils sont tenus, suivant un engagement moral, de respecter les disponibilités qu'ils offrent — les patrouilleurs bénévoles ne reçoivent pas de rémunération — ils bénéficient d'avantages, lesquels sont nettement inférieurs à la valeur du travail qu'ils accomplissent — ces avantages constituent une compensation, un cadeau ou une forme de récompense pour leur contribution — la notion de «rémunération» qui se trouve à la définition du terme «salarié» prévue au Code du travail ne peut être interprétée de façon isolée et doit s'harmoniser avec l'ensemble de la législation qui encadre le travail au Québec — ainsi, il ressort de la définition du terme «salaire» prévu dans la Loi sur les normes du travail qu'un employeur doit rétribuer en argent, et non en cadeau, un salarié pour les services qu'il rend — le remboursement d'un billet de ski, l'aiguisage des skis, des rabais à la cafétéria ou l'abonnement familial offert après 7 années de présence au sein de la patrouille ne représentent pas le salaire qu'un employeur doit verser à un salarié en vertu de cette loi — de telles compensations ne constituent pas une «rémunération en monnaie courante» — le fait que les patrouilleurs bénévoles soient visés par la Loi sur la santé et la sécurité du travail ainsi que par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne permet pas de conclure qu'ils sont des salariés au sens du Code du travail — si la définition de «travailleur» prévue dans ces 2 lois comprend une personne qui travaille bénévolement, un tel élargissement de cette notion n'existe pas dans le Code du travail ni dans la Loi sur les normes du travail — les patrouilleurs bénévoles ne sont pas des salariés, de sorte qu'il est inutile de les exclure expressément de la description de l'unité de négociation — le Tribunal maintient toutefois la description proposée par le syndicat afin d'éviter toute confusion — par ailleurs, même si le Tribunal en était arrivé à la conclusion voulant que les patrouilleurs bénévoles soient des salariés, leur exclusion ne rendrait pas l'unité demandée par le syndicat inappropriée — ces derniers exécutent le même travail que les patrouilleurs rémunérés, mais leur exclusion de l'unité de négociation n'empêche pas la gestion efficace de l'entreprise par l'employeur ni l'atteinte des objectifs de la négociation collective — en ce qui a trait aux 2 personnes dont le statut de salarié est en litige, il ressort de la preuve que 1 seule ne peut se voir reconnaître ce statut — en effet, même si ses fonctions de cadre n'occupent pas toujours la majeure partie de ses journées de travail, celleci ne peut être à la fois représentant de l'employeur et salarié — par ailleurs, 3 salariés ne peuvent être inscrits sur la liste des salariés étant donné qu'ils n'étaient pas en «réalité prochaine de retour au travail» le jour du dépôt de la requête — le premier était alors absent pour cause de maladie depuis novembre 2023 et aucune date de retour au travail n'était prévue; le deuxième a quitté le travail pour des raisons de santé en janvier 2024 et n'est jamais revenu; le troisième a été congédié avant le dépôt de la requête et, lors de l'audience, aucun arbitre n'avait encore été choisi et aucune date n'avait été fixée pour entendre le grief contestant cette mesure — enfin, contrairement à ce que prétend la partie intervenante, la preuve ne révèle aucun geste illégal de la part du syndicat qui amènerait le Tribunal à reconsidérer la validité des adhésions — le syndicat jouit du caractère représentatif, et toutes les conditions prévues au Code du travail pour faire droit à la requête sont réunies.