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15 000 $ pour dommages moraux

Son contrat de travail étant arrivé à terme, la requérante ne peut être réintégrée dans son emploi; elle a toutefois droit à 15 000 $ à titre de dommages moraux en raison de son congédiement sans cause juste et suffisante.
9 décembre 2024

Intitulé

Cedar c. Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, 2024 QCTAT 2979

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division de la santé et de la sécurité du travail et Division des relations du travail (T.A.T.), Montréal

Type d'action

Fixation d'une indemnité — l'employeur a reconnu le bien-fondé des plaintes déposées par la requérante pour harcèlement psychologique, pour congédiement sans cause juste et suffisante et pour pratique interdite — il a fait de même à l'égard de la contestation de la requérante à la suite d'une décision de la CNESST ayant déclaré irrecevable sa plainte formulée en vertu de l'article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP).

Décision de

François Demers, juge administratif

Date

21 août 2024


Décision

les plaintes et la contestation doivent donc être accueillies — l'employeur a également retiré sa contestation de la décision de la CNESST qui reconnaissait l'admissibilité de la lésion professionnelle psychologique de la requérante résultant du harcèlement psychologique dont elle avait été victime — la requérante demande au Tribunal de lui accorder certaines mesures de réparation — l'employeur conteste ces réclamations — le contrat de travail de la requérante était pour une durée déterminée de 3 ans — il se terminait le 18 décembre 2020 — l'objectif des dispositions législatives sur lesquelles les recours se fondent est de remettre la requérante dans la position qui aurait été la sienne, n'eût été son congédiement — il ne saurait être question de la placer dans une position plus avantageuse que si le contrat avait pris fin normalement à son échéance, ce qui serait le cas si la présente décision ordonnait sa réintégration — puisque le congédiement imposé le 19 décembre 2019 doit être annulé, la requérante doit être dédommagée pour les pertes financières reliées à sa fin d'emploi, le cas échéant, soit du 20 décembre 2019 jusqu'à l'expiration de son contrat, le 18 décembre 2020 — la requérante prétend que sa perte salariale découle uniquement de son congédiement et non de sa lésion professionnelle qui résulte du harcèlement psychologique — à compter du 25 mai 2018, la requérante a été victime d'une lésion professionnelle qui résultait du harcèlement psychologique — la période au cours de laquelle elle a été victime d'une lésion professionnelle s'est prolongée jusqu'à ce que cette lésion soit consolidée, ce qui ne s'est produit que le 13 mars 2024 — en vertu de l'article 46 LATMP, il y a une présomption légale que la requérante était incapable d'exercer son emploi pendant la période d'indemnisation — c'est la raison pour laquelle elle a pu recevoir l'indemnité de remplacement du revenu de la CNESST — afin de repousser la présomption légale d'incapacité, la requérante devait faire une preuve convaincante de sa capacité — la simple affirmation par son médecin qu'un retour progressif pouvait contribuer à son rétablissement n'est pas suffisante, d'autant moins que ce retour progressif n'a jamais eu lieu — l'incapacité de la requérante à occuper son emploi en raison de la lésion psychologique résultant du harcèlement s'est poursuivie pendant toute la période d'indemnisation — une indemnité pour perte salariale ne peut donc lui être accordée — si la requérante était incapable de travailler, son congédiement n'a entraîné aucune perte — cette constatation permet à elle seule d'écarter la réclamation pour perte salariale en vertu des plaintes fondées sur les articles 122 et 124 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) — quant à l'argument de la requérante voulant que son incapacité à travailler à compter du 20 décembre 2018 ait découlé uniquement de son congédiement, il ne peut être retenu — selon cet argument, la requérante aurait dû être autrement apte au travail juste avant le congédiement, ce qui n'était pas le cas — sa demande visant l'attribution d'une indemnité équivalant au salaire et aux autres avantages n'est donc pas recevable — dans le cadre de la plainte pour harcèlement psychologique, le présent Tribunal ne peut accorder de compensation pour des dommages moraux ou punitifs, car l'article 123.16 L.N.T. exclut expressément cette possibilité — une plainte pour congédiement illégal en vertu de l'article 122 L.N.T. ne peut donner lieu à l'attribution de dommages moraux ou punitifs — dans le cadre d'une plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante en vertu de l'article 124 L.N.T., le Tribunal dispose toutefois de vastes pouvoirs de réparation permettant de compenser l'ensemble des dommages subis, y compris tous les dommages moraux qui ont été prouvés — le congédiement, en lui-même, a eu un effet significatif qui s'additionne aux conséquences liées au harcèlement psychologique — la compensation du préjudice moral causé à la requérante en raison de son congédiement illégal est fixée à 15 000 $ — cette dernière n'a pas démontré le caractère intentionnel d'une atteinte à ses droits dans le cadre de son congédiement — tout congédiement est susceptible d'affecter une personne, mais il n'en découle pas nécessairement un droit à des dommages punitifs — le Tribunal n'a eu aucun recours à l'expertise de l'actuaire qui a aidé la requérante à quantifier sa réclamation afin de rendre sa décision — correctement qualifiée, la perte salariale pouvait être simplement établie sans nécessité d'un rapport d'expert — la requérante n'a pas démontré son droit au remboursement des honoraires de son expert.

Les réclamations reliées à la plainte en vertu de l'article 32 LATMP ne peuvent être accordées — il est impossible d'ordonner la réintégration de la requérante dans son emploi étant donné que celui-ci s'est terminé par l'expiration de son contrat — la plainte du 6 janvier 2020 visait uniquement à faire annuler le congédiement du 19 décembre 2019 — ce sont donc les conséquences de ce congédiement qui pourraient faire l'objet d'une indemnisation, donc des éléments qui sont postérieurs à celui-ci — la réclamation implique que l'employeur avait l'obligation de suivre l'une ou l'autre des recommandations du médecin de la requérante quant à un retour progressif au travail — aucune disposition légale, y compris la LATMP, n'oblige toutefois un employeur à accepter un retour progressif au travail d'une travailleuse atteinte d'une lésion professionnelle avant sa consolidation — la réclamation des honoraires de conseillers juridiques de la requérante ne peut être accordée puisque l'article 257 LATMP énonce exhaustivement toutes les mesures de réparation possibles lorsque le Tribunal accueille une plainte fondée sur l'article 32 LATMP — cet article ne donne ouverture à aucune indemnisation pécuniaire autre que le salaire et les avantages dont la mesure contestée a privé la plaignante.

Instance précédente : Johanne Raymond, médiateur-décideur, C.N.E.S.S.T., Montréal, 505104042 et MTL20-006, 2021-08-04, 2021 QCCNESST 150, SOQUIJ AZ-51787635.

Réf. ant : (C.N.E.S.S.T., 2021-08-04), 2021 QCCNESST 150, SOQUIJ AZ-51787635.