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Partage des coûts lors d’une lésion professionnelle

Le Tribunal ne souscrit pas au principe jurisprudentiel selon lequel une lésion professionnelle antérieure survenue chez le même employeur ne peut être invoquée à titre de déficience dans le cadre d'une demande de partage en vertu de l'article 329 LATMP puisque cette restriction n'est pas prévue par cette disposition législative.
1 octobre 2024

Intitulé

Service de police de la Ville de Montréal, 2024 QCTAT 2096

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division de la santé et de la sécurité du travail (T.A.T.), Lanaudière

Type d'action

Contestation par l'employeur d'une décision relative à un partage des coûts.

Contestation accueillie.

Décision de

Jean M. Poirier, juge administratif

Date

14 juin 2024


La travailleuse, alors qu'elle était âgée de 44 ans, a subi une lésion professionnelle, soit une tendinite de De Quervain récidivante au poignet droit. L'employeur a demandé un partage d'imputation, alléguant que la travailleuse était handicapée lors de la survenance de cette lésion. À cet égard, il a invoqué les séquelles découlant d'un accident du travail antérieur survenu dans son entreprise. La CNESST a rejeté la demande et cette décision a été confirmée à la suite d'une révision administrative.

Décision

Lorsque le handicap découle d'une lésion professionnelle antérieure survenue chez le même employeur que celui qui réclame le partage de l'imputation du coût des prestations liées à la nouvelle lésion, la jurisprudence majoritaire édicte que cela ne donne pas ouverture à la notion de «handicap» telle qu'elle est prévue à l'article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP). Le présent tribunal se dissocie de cette interprétation. Dans Boulevard Dodge Chrysler Jeep 2000 inc. (C.L.P., 2011-06-06), 2011 QCCLP 3962, SOQUIJ AZ-50760704, 2011EXPT-1270, paragraphe 36, la CLP écrivait que la «"justice" inhérente à l'ensemble du régime du financement [...] veut que l'employeur continue d'assumer les conséquences de la première lésion professionnelle jusque dans la seconde». Ce principe a milité en faveur de la position majoritaire. Or, comme le souligne l'employeur, les règles de financement ont été modifiées par la suite de façon importante. L'employeur a par ailleurs évoqué les travaux de l'Assemblée nationale afin de soutenir une interprétation large et libérale de l'article 329 LATMP. Cet argument n'est pas retenu. Cette disposition est une exception au principe général d'imputation et doit continuer d'être interprétée restrictivement. Il demeure toutefois que l'on ne peut ajouter au texte comme l'a fait la jurisprudence majoritaire. Le texte est clair: l'article 329 LATMP n'inclut pas de mention en ce qui concerne la survenance d'un accident antérieur empêchant son application. Par conséquent, l'article 329 LATMP ne comporte pas l'exception proposée par le courant majoritaire et, en s'appuyant sur plusieurs décisions jurisprudentielles qui appuient cette constatation, il y a lieu de considérer que les séquelles résultant d'un accident antérieur chez le même employeur peuvent constituer un handicap en vertu de cette disposition.

En ce qui concerne le fond du litige, l'employeur a fait la preuve de l'existence d'un handicap. En effet, la travailleuse était porteuse, lors de la survenance de la lésion professionnelle, d'une tendinite de De Quervain découlant de sa première lésion professionnelle. S'appuyant sur des articles de doctrine médicale, le médecin de l'employeur a affirmé que cette condition était hors norme pour une personne de l'âge de la travailleuse. Il a également estimé que cette condition avait influencé la survenance de la lésion, la travailleuse ayant reconnu qu'elle demeurait symptomatique malgré 2 interventions chirurgicales. Quant aux conséquences de la lésion, le médecin a conclu que celles-ci, dont la longue période de consolidation, la nécessité de traitements ainsi que l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, avaient été aggravées par cette condition personnelle. Dans un tel contexte, il est équitable que l'employeur ne supporte que 5 % du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle.