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Fonctionnaire et co-porte-parole politique : incompatible

L'employeur avait raison d'estimer que le plaignant ne pouvait occuper à la fois le poste de conseiller en aérospatiale au ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie et celui de co-porte-parole du Parti québécois.
16 octobre 2024

Intitulé

Syndicat des professionnels et professionnelles du gouvernement du Québec (SPGQ) et Ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie (MEIE) (Stephan Fogaing), 2024 QCTA 314

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Griefs contestant des suspensions (2,5 et 20 jours), une demande de démission et un congédiement. Rejetés.

Décision de

Me Guy Roy, arbitre

Date

15 juillet 2024


L'employeur a imposé une discipline progressive au plaignant parce qu'il estimait qu'il ne pouvait occuper à la fois le poste de conseiller en aérospatiale au ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie et celui de co-porte-parole du Parti québécois, une fonction à laquelle il avait été nouvellement nommé. Devant son refus d'obtempérer, il a dû le congédier. Le plaignant, quant à lui, considère que, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Charte des droits et libertés de la personne, il est libre d'exprimer ses convictions politiques. Pour lui, le rôle de co-porte-parole ne contrevenait pas à ses obligations de fonctionnaire. Il soutient que des aménagements étaient possibles entre les 2 fonctions. À titre de moyen préliminaire, le syndicat soutient que l'employeur a omis d'aviser le plaignant qu'il pouvait être accompagné d'un représentant syndical lors des diverses rencontres qu'ils ont eues. Il soutient également que le plaignant a fait l'objet d'une double sanction.

Décision

Les rencontres initiales ne s’inscrivaient pas dans le processus disciplinaire. L'employeur n’avait donc pas à aviser le plaignant qu’il pouvait requérir la présence d’un représentant syndical. Lorsque le processus a pris une autre tournure, le plaignant a été dûment avisé de son droit. Par ailleurs, il n'y a pas eu de double sanction. Ce dernier n'a pas été sanctionné pour la même faute, mais plutôt pour le même geste commis à des dates différentes, soit son refus de choisir entre les 2 fonctions en cause.

Quant au fond de l'affaire, aux termes de la Loi sur la fonction publique et du Règlement sur l'éthique et la discipline dans la fonction publique, le plaignant doit être loyal et porter allégeance à l’autorité constituée. Il doit exercer ses fonctions dans l’intérêt public ainsi qu'avec honnêteté et impartialité. De plus, il est tenu à la discrétion à l'égard des informations dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions et ne doit pas se placer en situation de conflit d’intérêts. Il a aussi un devoir de réserve quant à la manifestation publique de ses opinions politiques et il doit faire preuve de neutralité. En l'espèce, à titre de co-porte-parole, le plaignant se trouve à parler au nom d'un parti et non en son nom personnel ou comme membre de celui-ci, et encore moins à titre de «citoyen engagé». Or, un fonctionnaire agissant comme co-porte-parole devra nécessairement, à un moment ou un autre, critiquer ou mettre en doute une politique du gouvernement qui aura nécessairement un lien avec ses fonctions ou qui sera d’une importance capitale pour la population. Le Tribunal voit mal comment un citoyen pourrait croire qu’un fonctionnaire soit capable de faire preuve de neutralité et de réserve dans la manifestation publique de ses opinions alors qu’il parle au nom d’un parti politique. D’ailleurs, la preuve révèle que, à quelques reprises, le plaignant a écrit ou relayé sur les médias sociaux des articles dans lesquels le gouvernement en place était critiqué. Les fonctions de co-porte-parole sont incompatibles avec le travail d’un fonctionnaire. Devant le refus du plaignant de faire un choix entre les 2 fonctions, l'employeur était fondé à le suspendre et, ultimement, à le congédier. Enfin, même en supposant qu'un co-porte-parole exerce sa propre liberté d'expression et non celle d'un tiers, en l'occurrence un parti politique, le Tribunal ne voit aucune violation injustifiée de ce droit fondamental. Quant à l'obligation d'accommodement, le plaignant a décliné toutes les propositions de l’employeur et n'en a proposé aucune, ce qui va à l'encontre de son obligation de collaboration.