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Dossier disciplinaire chargé : sanction supérieure

Bien qu'il puisse être difficile pour un salarié de recevoir une sanction supérieure à celle imposée à ses collègues pour un même geste, d'autant plus lorsqu'il participait à un mouvement collectif, il n'était pas déraisonnable pour l'employeur, en l'espèce, de tenir compte du dossier disciplinaire plus chargé du plaignant.
15 octobre 2024

Intitulé

Fabspec inc. et Syndicat des travailleurs de Fabspec - CSN (Alain Morisset), 2024 QCTA 299

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief contestant une suspension (4 jours). Rejeté.

Décision de

Me Louise-Hélène Guimond, arbitre

Date

9 juillet 2024


Le plaignant a d'abord reçu un avis écrit, comme tous ses collègues, pour avoir suivi le mot d'ordre syndical de ne pas utiliser le nouvel horodateur. Le lendemain, refusant toujours d'utiliser celui-ci, il a reçu une suspension de 4 jours, alors que ses collègues qui ont récidivé se sont vu imposer des suspensions de 2 jours. Le syndicat soutient que la sanction aurait dû être la même pour tous. L'employeur explique cette distinction par le dossier disciplinaire des salariés.

Décision

Le Tribunal comprend qu'il puisse être difficile, pour un salarié, de recevoir une sanction supérieure à celle imposée à ses collègues pour un même geste, d'autant plus lorsqu'il participait alors à un mouvement collectif. Malgré ce fait, le Tribunal ne peut conclure que la mesure disciplinaire imposée au plaignant est arbitraire ou injuste. La progression des sanctions est un principe important en matière disciplinaire qui ne bénéficie pas uniquement à l'employeur. Au contraire, cette démarche, souvent illustrée par un escalier, évite au salarié de perdre son emploi sans avoir préalablement gravi les différents paliers. Or, en l'espèce, 2 sanctions disciplinaires figuraient déjà au dossier du plaignant, soit un avertissement écrit pour avoir refusé d'accomplir une tâche demandée par le directeur de production ainsi que des propos inappropriés et une attitude négative. Il a aussi été suspendu 2 jours pour son attitude négative et sa nonchalance. De plus, la faute ne doit pas être identique pour justifier l'imposition d'une mesure progressive. Il suffit qu'il y ait similarité. Le Tribunal estime que la suspension de 4 jours imposée au plaignant répond à un comportement de même nature que les fautes précédentes. Par ailleurs, pour intervenir et modifier la mesure choisie, le Tribunal doit conclure qu'elle est disproportionnée au regard de la gravité intrinsèque de la faute prouvée. Or, ce n'est pas ce que la preuve révèle. Même si l'employeur pouvait appliquer la discipline progressive dès la première journée d'insubordination, il a plutôt choisi de servir le même avertissement écrit à l'ensemble des employés. Cette mesure plus clémente, qui était sa prérogative, a profité à l'ensemble des salariés ayant à leur dossier des mesures disciplinaires actives. Par ailleurs, l'employeur a réfléchi et a pris conseil avant d'imposer cette première mesure afin d'éviter de réagir trop promptement. Cette conduite semble raisonnable dans les circonstances. Elle a d'ailleurs porté ses fruits puisque la majorité des employés ont utilisé le nouvel horodateur par la suite. Quant aux facteurs atténuants, ils sont très peu nombreux et ils ne peuvent faire contrepoids dans le contexte d'une courte suspension puisque la marge de manoeuvre dont le Tribunal dispose est très mince, comme la jurisprudence l'enseigne.