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Accident de la route, accident de travail

Une préposée aux bénéficiaires a subi un accident de la route alors qu'elle se dirigeait vers une clinique pour y subir un test de dépistage de la COVID-19; bien que la collision soit survenue après son quart de travail, il s'agit d'un événement survenu à l'occasion du travail puisque l'activité exercée à ce moment visait à respecter une exigence liée à l'exercice de son emploi.
2 octobre 2024

Intitulé

Gornicka et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l'Est-del'Île-de-Montréal - Centre hospitalier de soins de longue durée Marie-Curie-Sklodowska, 2024 QCTAT 2429

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division de la santé et de la sécurité du travail (T.A.T.), Montréal

Type d'action

Contestation par la travailleuse d'une décision ayant déclaré qu'elle n'avait pas subi de lésion professionnelle. Contestation accueillie en partie.

Décision de

Karim Benelfellah, juge administratif

Date

5 juillet 2024


La travailleuse, une préposée aux bénéficiaires, a été impliquée dans un accident de la route. L'événement est survenu peu de temps après son quart de travail, alors qu'elle se dirigeait vers une clinique afin d'y subir un test de dépistage à la COVID-19. La CNESST a refusé sa réclamation au motif que les délais pour déclarer l'événement à l'employeur de même que pour cesser de travailler ne permettaient pas de conclure que son entorse cervicale et son trouble dépressif majeur étaient survenus lors de l'exécution de ses tâches ou à l'occasion de son travail. L'instance de révision a confirmé cette décision.

Décision

La travailleuse ne peut bénéficier de la présomption de lésion professionnelle puisqu'elle n'était pas à son poste de travail en train d'exécuter ses tâches au moment de l'événement accidentel et que celui-ci est survenu après son quart de travail. La preuve a cependant démontré que la travailleuse a été victime d'un accident du travail. Une collision comme celle survenue en l'espèce correspond nécessairement à un événement imprévu et soudain. Quant à savoir si cet événement est survenu à l'occasion du travail, la jurisprudence enseigne que la preuve doit démontrer un lien plus ou moins étroit entre l'activité à l'occasion de laquelle survient la lésion et le travail exercé. À cet égard, il ressort de la preuve que la finalité de l'activité exercée par la travailleuse lors de l'événement accidentel, soit le fait de se rendre à une clinique de dépistage, visait à respecter une exigence liée à l'exercice de son travail de préposée aux bénéficiaires. En effet, selon l'arrêté 2021-024 en vigueur au moment de l'événement accidentel, toute personne salariée travaillant dans un établissement de santé et de services sociaux, dont un centre d'hébergement et de soins de longue durée, et n'étant pas vaccinée contre la COVID-19 devait subir un test 3 fois par semaine et fournir les résultats à son employeur. Il est clair que l'activité qu'exerçait la travailleuse au moment de l'événement était connexe à son travail et d'une utilité certaine par rapport à celui-ci puisque son exécution était conditionnelle au fait de subir un test de dépistage. De plus, le court délai de 15 minutes qui s'est écoulé entre la fin du quart de travail de la travailleuse et la survenance de l'événement constitue un laps de temps raisonnable qui milite en faveur d'un lien entre l'activité à l'occasion de laquelle est survenue la lésion et le travail, d'autant plus que, selon le témoignage probant de la déléguée syndicale de la travailleuse, le dépistage devait se faire à l'extérieur des heures de travail en raison d'un manque de temps lors de celles-ci. En outre, même si la travailleuse ne recevait aucune rémunération supplémentaire en lien avec son travail à l'occasion de ses dépistages, elle recevait une prime versée par l'employeur en guise de compensation. Cette dernière milite en faveur de l'appartenance de l'activité réalisée au moment de l'événement à la sphère professionnelle. Il y a donc lieu de conclure que l'événement accidentel est survenu à l'occasion du travail.

En ce qui concerne la relation entre les diagnostics et l'événement accidentel, le Tribunal estime que seule l'entorse cervicale doit être reconnue à titre de lésion professionnelle. En effet, le cumul de certains éléments, soit le fait que la travailleuse s'est présentée à l'urgence dès le lendemain de l'accident, c'est-à-dire le 28 mai 2021, en raison d'un mal de tête et d'une raideur au cou, qu'une demande d'indemnisation transmise à la Société de l'assurance automobile du Québec pour une douleur cervicale a ensuite été accueillie et qu'un tel diagnostic a été retenu par les 2 professionnelles de la santé qui ont eu charge de la travailleuse, permet d'établir un lien de causalité entre l'entorse cervicale et l'événement accidentel. Par ailleurs, le fait que la travailleuse ait continué d'exercer son travail jusqu'au 16 juin 2021 sans déclarer l'événement à l'employeur avant le 9 août suivant ne fait pas obstacle à l'établissement de cette relation, compte tenu des faits particuliers du dossier. Relativement au diagnostic de trouble dépressif majeur, la preuve a démontré que les symptômes psychologiques de la travailleuse se sont manifestés plus de 7 mois avant la survenance de l'événement accidentel, et ce, à la suite d'une situation familiale. De plus, la travailleuse vivait un problème au travail et un déclin cognitif lui causait des troubles de la mémoire. La preuve n'a pas non plus permis d'établir que ce diagnostic avait été aggravé par l'événement accidentel. Par conséquent, ce diagnostic ne peut être retenu à titre de lésion professionnelle.