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Transfert des coûts d’assistance médicale

Une gérante de pharmacie a subi une lésion professionnelle en manipulant un présentoir; même si sa semaine de travail a été réduite d'une dizaine d'heures pendant 2 mois, elle a continué à effectuer l'essentiel de son travail et, en vertu du paragraphe 3 de l'article 327 LATMP, le coût des frais d'assistance médicale doit être transféré à l'ensemble des employeurs.
26 septembre 2024

Intitulé

9333-1403 Québec inc., 2024 QCTAT 2084

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division de la santé et de la sécurité du travail (T.A.T.), Richelieu-Salaberry

Type d'action

Contestation par l'employeur d'une décision relative à un transfert des coûts. Contestation accueillie.

Décision de

Sonia Sylvestre, juge administrative

Date

13 juin 2024


La travailleuse, une gérante dans une pharmacie, a subi une lésion professionnelle en manipulant un présentoir. L'employeur a demandé un transfert d'imputation, alléguant que cette lésion n'avait pas rendu la travailleuse incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle elle s'était manifestée. À son avis, la travailleuse a exercé «son emploi» puisque les quelques adaptations qu'elle a apportées à ses tâches n'ont pas dénaturé l'essentiel de son travail. La CNESST a rejeté cette demande et cette décision a été confirmée à la suite d'une révision administrative.

Décision

Selon la jurisprudence majoritaire, une interprétation large et libérale de la notion de «son emploi» doit être privilégiée. Ainsi, il n'est pas nécessaire qu'un travailleur soit capable d'exercer toutes ses tâches pour conclure à l'exercice de son emploi. Il suffit que la preuve démontre qu'il a été capable de faire l'essentiel de son travail et que celui-ci n'a pas été dénaturé par les modifications apportées ou les restrictions imposées. En l'espèce, les tâches de la travailleuse consistent à assurer la gestion du personnel et du service à la clientèle, à faire la gestion et le contrôle de l'image commerciale, à voir à l'approvisionnement des marchandises ainsi qu'à la gestion financière et à apporter du soutien aux employés de plancher (caisses, réception de marchandise, etc.). Ainsi, 70 % de ses tâches sont de nature administrative et le reste concerne l'aide et le soutien aux employés de plancher. À la suite de l'événement accidentel, la travailleuse a consulté un professionnel de la santé qui lui a prescrit des traitements, mais qui n'a pas recommandé d'arrêt de travail. Celui-ci a cependant formulé certaines restrictions, soit de respecter une limite pour le soulèvement de charges, d'éviter la position accroupie ou penchée et d'avoir la possibilité d'alterner les positions debout et assise selon la tolérance, c'est-à-dire de pouvoir alterner fréquemment le travail de bureau et celui sur le plancher. Or, on retient de sa déclaration sous serment que la travailleuse a été en mesure d'accomplir la quasitotalité de ses tâches et l'essentiel de son travail de gérante même si elle était incapable d'exécuter certaines tâches physiques et si elle devait appliquer des recommandations quant à l'adoption de certaines positions. Son travail étant principalement de nature administrative, le soulèvement de charges lourdes ou en hauteur ne constitue pas l'une de ses tâches principales. Dans ce contexte, la possibilité qu'elle avait de déléguer à son assistant les tâches occasionnelles qui contrevenaient aux recommandations médicales n'a pas dénaturé son emploi de gérante. D'ailleurs, selon la jurisprudence, le fait pour un travailleur de pouvoir déléguer à un collègue certaines tâches plus exigeantes, sans que cela nuise à la prestation de travail de ce dernier, n'est pas en soi un obstacle à la reconnaissance de la capacité à exercer son emploi. Il en est de même si un travailleur peut travailler à son rythme et prendre des pauses supplémentaires. Quant à la recommandation médicale de réduire sa semaine de travail de 45 à 35 heures pendant 2 mois, il ne s'agit pas d'un obstacle à la reconnaissance de l'exercice, par la travailleuse, de son emploi de gérante. Dans les faits, sa prestation de travail est demeurée semblable à celle offerte avant sa lésion professionnelle. Son horaire était toujours de 5 jours par semaine, mais avait une limite de 7 heures par jour. De plus, il n'y a pas eu d'ajout de personnel ni de répercussions importantes sur la prestation des autres employés en lien avec cette réduction temporaire des heures de travail. Par conséquent, la travailleuse a continué à exercer son emploi postérieurement à sa lésion professionnelle. Le coût des prestations de services de santé et de l'équipement adapté ainsi que les autres frais engagés en raison de la lésion professionnelle doivent être imputés à tous les employeurs.