lois-et-reglements / jurisprudence

Nature du crime incompatible avec les fonctions

La suspension sans traitement jusqu'à l'obtention d'un jugement final était d'autant plus justifiée que le plaignant avait avoué la commission des infractions criminelles à caractère sexuel dont il était accusé.
25 septembre 2024

Intitulé

Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301 et Ville de Montréal (Érick Hudon), 2024 QCTA 255

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Griefs contestant des suspensions sans traitement et un congédiement. Rejetés.

Décision de

Me Denis Nadeau, arbitre

Date

9 juin 2024


Le plaignant, un électricien d'établissements au service de l'un des arrondissements de la Ville de Montréal, a été congédié pour avoir été reconnu coupable d'infractions criminelles à caractère sexuel commises dans sa vie privée à l'endroit d'une fille de 14 ans rencontrée au moyen d'Internet (incitation à des contacts sexuels et avoir rendu accessible du matériel sexuellement explicite). L'employeur estime que la nature des crimes commis par le plaignant est incompatible avec ses fonctions et que, par conséquent, la protection qu'offre l'article 18.2 de la Charte des droits et libertés de la personne ne trouve pas application.

Décision

Le plaignant peut être appelé à travailler seul, sans supervision. L'exécution de ses tâches peut se dérouler dans des lieux et des bâtiments fréquentés par le public, dont des jeunes de moins de 16 ans, et elle requiert l'utilisation d'un ordinateur ou d'une tablette électronique. Rien n'empêche les interactions entre le plaignant et les jeunes qui fréquentent ces différents endroits. Dans un tel contexte, l'employeur a démontré l'existence d'un lien objectif entre les infractions criminelles et les fonctions d'électricien d'établissements ou de bâtiments, que le plaignant exerce notamment dans des endroits où les attentes de sécurité sont nécessairement élevées, tels des chalets sportifs, des toilettes et des vestiaires. L'employeur invoque sa responsabilité d'assurer la sécurité et le bien-être de la jeune population qui fréquente ces lieux. Cela paraît raisonnable. Bien qu'il ne soit pas nécessaire de se prononcer à cet égard, vu les conclusions qui précèdent, il est également raisonnable de croire que la divulgation publique d'une telle situation pourrait susciter de l'inquiétude au sein de sa population et entacher la réputation de l'arrondissement.

Quant aux 2 suspensions sans traitement, la première, de courte durée (8 jours), visait à permettre à l'employeur d'obtenir plus d'informations au sujet des accusations criminelles, de valider les documents remis par le plaignant et d'évaluer la situation. L'employeur estimait également qu'il n'était pas en mesure de respecter les conditions de remise en liberté étant donné la nature des tâches du plaignant et le contexte dans lequel elles sont exécutées. La seconde suspension, imposée jusqu'à l'obtention d'un jugement définitif concernant tous les chefs d'accusation, est également justifiée. En plus des motifs au soutien de la première suspension, l'employeur pouvait croire, à la lumière des aveux du plaignant, que celui-ci serait prochainement condamné pour des infractions criminelles qui étaient incompatibles avec les intérêts légitimes de la Ville. Enfin, il s'agit d'un cas exceptionnel au sens de Cabiakman c. Industrielle-Alliance Cie d'Assurance sur la Vie (C.S. Can., 2004-07-29), 2004 CSC 55, SOQUIJ AZ-50264378, J.E. 2004-1543, D.T.E. 2004T-775, [2004] 3 R.C.S. 195, justifiant l'absence de traitement durant les 2 suspensions.