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Fixation d'une indemnité

Une hygiéniste dentaire restauratrice obtient une indemnité pour le salaire perdu pendant les 5 semaines entre son congédiement sans cause juste et suffisante et le début de son nouvel emploi; elle a également droit à une indemnité pour perte d'emploi équivalant à 1 semaine de salaire pour chacune de ses 4 années de service.
18 septembre 2024

Intitulé

Lussier c. Clinique dentaire Prestige inc., 2024 QCTAT 1981

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Outaouais

Type d'action

Fixation d'une indemnité — le Tribunal a annulé le congédiement de la requérante et a décidé qu'il n'y avait pas lieu de la réintégrer dans son emploi.

Décision de

Sylvain Gagnon, juge administratif

Date

7 juin 2024


Décision

La requérante réclame le salaire perdu pendant les 5 semaines entre son congédiement et le début d'un nouvel emploi — elle affirme que son salaire hebdomadaire devrait être calculé en divisant son salaire annuel par 39 semaines puisqu'elle bénéficiait de 13 semaines de vacances payées par année — or, ce calcul n'est pas conforme au contrat de travail, qui prévoyait que le salaire annuel fixe de la requérante incluait les vacances — l'employeur soutient qu'il faut retrancher 2 semaines de la période d'indemnisation puisque la requérante était en voyage et n'était donc pas disponible pour travailler — le Tribunal estime toutefois que la requérante était fondée à penser que ses vacances étaient autorisées — même si elle craignait de perdre son emploi, les discussions avec l'employeur avant son départ lui permettaient de penser qu'il existait une chance de s'entendre sur un nouveau contrat de travail à son retour — ce n'est qu'au moment où la requérante est revenue travailler qu'elle a appris qu'elle avait effectivement perdu son emploi — il n'y a pas lieu de retrancher 2 semaines de la période d'indemnisation — l'employeur reproche également à la requérante de ne pas avoir recommencé à travailler chez un autre employeur dès qu'elle aurait pu le faire après son retour — le Tribunal constate plutôt que la requérante a fait preuve de la diligence requise dans les circonstances — dans les 3 semaines ayant suivi son retour de voyage, elle a étudié sérieusement 3 offres d'emploi, a passé 3 entrevues et a effectué des remplacements durant quelques jours — le fait qu'elle ait consacré le reste de son temps à encaisser le choc découlant de son congédiement correspond à ce que la jurisprudence prévoit à cet égard et respectait son obligation de réduire ses dommages — après la déduction des sommes versées par l'employeur et de celles gagnées ailleurs, la perte salariale de la requérante s'élève à 4 802 $ — il n'y a pas lieu d'accorder d'indemnité de congé annuel — comme le contrat d'emploi de la requérante stipulait que son salaire annuel incluait les vacances prises au moment déterminé par l'employeur, aucune indemnité de vacances n'avait été cumulée pour l'avenir.

L'employeur affirme que la requérante n'a droit à aucune indemnité pour perte d'emploi puisqu'elle doit être réintégrée — or, la question de la réintégration a été tranchée dans la décision au fond et le Tribunal ne peut conclure que l'impossibilité d'une réintégration est imputable à la requérante — cette dernière a droit à une indemnité pour perte d'emploi — la somme réclamée par la requérante, soit l'équivalent de 3,5 semaines de salaire pour chacune des 4 années de service, doit toutefois être réduite — la requérante a reçu des offres d'emploi dès l'annonce de son congédiement et elle a obtenu un nouvel emploi dans les 3 semaines suivantes — même si cet emploi est un peu mieux rémunéré, elle bénéficie de 9 semaines de vacances de moins et elle a perdu, du moins temporairement, la protection conférée par l'article 124 de la Loi sur les normes du travail — le Tribunal lui accorde une indemnité pour perte d'emploi de 6 153 $, soit l'équivalent de 4 semaines de salaire.

La requérante réclame 5 000 $ en dommages non pécuniaires — en plus de la crainte de perdre son emploi à son retour de vacances et de la perte de jouissance de celles-ci, elle invoque le stress et le malaise subis à la suite de son congédiement ainsi que ceux vécus en raison du recours civil intenté contre elle par l'employeur et de la plainte déposée auprès de son ordre professionnel — outre l'insomnie et le malaise causés par les audiences pour le présent recours, le Tribunal note que le stress et l'anxiété ressentis par la requérante quant à son avenir professionnel et financier ont été de courte durée — le préjudice que la requérante affirme avoir subi en raison des autres recours exercés par l'employeur ne sont pas directement liés au congédiement et ne peuvent justifier la présente réclamation — une somme de 1 000 $ est raisonnable dans les circonstances.

Le Tribunal ne retient pas l'argument de l'employeur selon lequel aucun intérêt ne devrait être ajouté aux indemnités en raison du long délai qui s'est écoulé entre le dépôt de la plainte et la décision au fond — non seulement cette décision a ordonné le versement d'intérêts, mais en outre les délais invoqués par l'employeur sont inhérents au processus d'adjudication et rien ne permet de conclure qu'ils sont imputables à la requérante.

Réf. ant : (T.A.T., 2022-11-30), 2022 QCTAT 5450, SOQUIJ AZ-51899469, 2023EXPT 159; (T.A.T., 2023-04-27), 2023 QCTAT 1872, SOQUIJ AZ-51932581, 2023EXPT 1281.