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Une décision fondée sur les données du système de géolocalisation

Le congédiement d'un contremaître est confirmé, celui-ci ayant été rémunéré pour des heures non travaillées; ses nombreux départs hâtifs du chantier ont été confirmés par le système de géolocalisation dont était équipé le véhicule que l'employeur mettait à sa disposition.
16 septembre 2024

Intitulé

Union des opérateurs de machinerie lourde, local 791 et PNR Railworks Québec inc. (Martin Robert), 2024 QCTA 263

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief contestant un congédiement. Rejeté.

Décision de

Me Nathalie Faucher, arbitre

Date

14 juin 2024


Le plaignant, qui occupait le poste de contremaître sur un chantier de construction, a été congédié pour vol de temps. Plus particulièrement, se fondant sur les données de géolocalisation du véhicule qui avait été mis à la disposition du plaignant, l'employeur lui reproche d'avoir quitté le chantier avant l'heure déclarée, et ce, à plusieurs occasions, recevant ainsi une rémunération pour des heures non travaillées. Outre sa contestation sur le fond, le syndicat fait valoir le caractère unilingue anglais de la politique relative à l'utilisation du véhicule et l'atteinte à la vie privée du plaignant liée au système de géolocalisation.

Décision

Il est vrai que la politique de l'employeur contrevient à la Charte de la langue française et n'est pas opposable au plaignant. Cela ne signifie pas pour autant que l'employeur ne pouvait équiper son parc de véhicules de systèmes de géolocalisation ni en utiliser les données dans un contexte comme celui en l'espèce. En effet, la convention collective ne comporte aucune disposition l'empêchant d'agir ainsi ou le limitant à cet égard. Cette question relève donc de ses droits résiduaires. De la même façon, la convention ne l'oblige pas à informer ses salariés par écrit de la présence de ce système. De plus, le plaignant connaissait l'existence de celui-ci et a tout de même consenti à utiliser le véhicule. Dans un tel contexte, le système de géolocalisation faisait partie de ses conditions de travail connues et acceptées.

En ce qui a trait à la question de la protection du droit au respect de la vie privée, si un salarié peut généralement s'attendre à ne pas être surveillé constamment dans son milieu de travail, ses attentes sont presque nulles en ce qui a trait au contrôle de ses heures de travail. De toute façon, l'enquête a été déclenchée pour des motifs raisonnables et a été menée de la manière la moins intrusive possible. Ainsi, le Tribunal ne constate aucune intrusion illicite dans la vie privée du plaignant.

Quant au fond de l'affaire, il est manifeste que le plaignant a délibérément inscrit des heures de travail qu'il savait fausses. Ce faisant, il a été rémunéré en trop et il a privé son employeur de la prestation de travail à laquelle il était en droit de s'attendre. De plus, il s'est accordé des heures supplémentaires sans avoir obtenu d'autorisation à cet effet. Par ailleurs, les explications du plaignant ne constituent pas des excuses valables. Un salarié ne peut décider de se faire justice en s'accordant des réductions de ses heures de travail plutôt que d'effectuer des heures supplémentaires et en indiquant dans ses relevés de temps des heures fictives de travail. Il ne peut non plus décider par lui-même de travailler pendant les pauses et le lunch pour ensuite se dédommager par une réduction de ses heures de travail équivalant au double de la durée des pauses. Considérant le caractère délibéré de la conduite du plaignant, les fonctions qu'il occupait, la grande autonomie dont il bénéficiait dans l'exécution de ses tâches et l'absence totale de remords ou de regrets de sa part, ses 10 années d'ancienneté sont insuffisantes pour faire de son congédiement une sanction déraisonnable.