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Système GPS et vie privée

Les systèmes de télémétrie GPS installés par l'employeur dans les camions de son parc afin de recueillir notamment des données sur leur vitesse ne constituent pas une condition de travail déraisonnable et n'entraînent pas de violation du droit à la protection de la vie privée des salariés qui les conduisent.
14 août 2024

Intitulé

Hydro-Québec et Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d'Hydro-Québec (SCFP-FTQ, section locale 2000) (Claude Branchaud), 2024 QCTA 211

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief contestant une suspension (1 jour). Accueilli en partie.

Décision de

Me Michel J. Duranleau, arbitre

Date

16 mai 2024


L'employeur reproche au plaignant, qui occupe un poste d'«agent, relevé de terrain», d'avoir commis un excès de vitesse avec l'un de ses véhicules. Le syndicat s'oppose au dépôt de la preuve obtenue à l'aide du système de télémétrie et de localisation GPS se trouvant dans les véhicules de l'employeur. Ce dernier, quant à lui, s'oppose à la modification du grief proposée par le syndicat, lequel recommande d'ajouter une demande en dommages punitifs pour atteinte au droit à la protection de la vie privée.

Décision

Le Tribunal fait droit à la modification demandée en ce qu'elle n'est pas présentée tardivement et qu'elle constitue une conclusion accessoire à la demande principale ou une conclusion qui devrait normalement en découler. Par ailleurs, la convention collective permet l'utilisation des observations transmises par le système de télémétrie et de localisation GPS lorsqu'il s'agit de protéger l'entreprise contre les actes dommageables tels que le vol, la fraude, la déprédation ou les dommages à la propriété. En l'espèce, le système en cause présente plusieurs avantages reliés à la protection des véhicules. Il permet, entre autres choses, d'optimiser et de prolonger la vie de ceux-ci en assurant un meilleur suivi de leur entretien et une prévention des dommages résultant d'une utilisation excessive ou inappropriée. Il est bien connu que les excès de vitesse augmentent les risques d'accident et, par conséquent, les dommages physiques, psychiques et matériels qui s'en suivent généralement. La gestion des excès de vitesse vise la protection non seulement des personnes, qu'il s'agisse d'employés ou du public, mais également de la propriété de l'employeur. À la lumière de ce qui précède et des dispositions figurant à l'article 38.01 de la convention collective, le Tribunal estime que la preuve des données du système de télémétrie et de localisation GPS est recevable.

Quant au fond, la jurisprudence arbitrale reconnaît qu'une surveillance constante ou continue — qu'il s'agisse d'un enregistrement audio ou vidéo — d'un travailleur durant sa prestation de travail constitue une condition de travail déraisonnable. Il n'est pas question d'une telle surveillance en l'espèce. En effet, les données transmises par le système portent uniquement sur le véhicule. Le système signale seulement les situations où une vitesse de 120 kilomètres à l'heure est atteinte pendant plus de 30 secondes. Dans un tel cas, une vérification des données est alors effectuée à partir de l'ordinateur de bord du véhicule et des informations transmises par le système GPS du véhicule, et ce, afin de s'assurer de la validité et de la véracité des données enregistrées avant qu'elles ne soient transmises au directeur. Celui-ci s'assure ensuite d'identifier le conducteur. En cas de doute, aucun renseignement ne lui est transmis. Dans un tel contexte, le Tribunal ne voit pas dans l'usage du système une condition de travail déraisonnable. Il ne considère pas non plus qu'il s'agit d'une atteinte au droit du travailleur à la protection de sa vie privée. En effet, les informations recueillies sont impersonnelles et anonymes. Seules les informations vérifiées et validées concernant les excès de vitesse sont remises au directeur pour qu'il effectue un suivi et sensibilise le conducteur en cause aux risques d'accident, et ce, dans le but de protéger non seulement le matériel roulant, mais également la santé, la sécurité ainsi que l'intégrité physique ou psychique des travailleurs et du public circulant sur la voie publique. En revanche, la sanction qui a été imposée est disproportionnée, considérant qu'il s'agit d'un premier écart de la part du plaignant, lequel justifie de 33 années d'ancienneté. De plus, l'employeur n'a pas respecté la règle de la progression des sanctions prévue au Plan de suivi des dépassements de limite de vitesse. La suspension du plaignant est annulée. Un avis écrit y est substitué.