Intitulé
Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau, section locale 2000 et Hydro-Québec (Patrick Caron), 2024 QCTA 232
Juridiction
Tribunal d'arbitrage (T.A.)
Type d'action
Grief contestant une suspension et un congédiement. Rejeté.
Décision de
Me Denis Nadeau, arbitre
Date
21 mai 2024
À la suite d'une suspension sans solde, le plaignant, qui occupait un poste de magasinier, a été congédié pour ne pas avoir respecté son horaire de travail à plusieurs reprises, et ce, sans justification, et pour avoir réclamé une rémunération pour un important nombre d'heures non travaillées. Lors de la rencontre disciplinaire, le plaignant a expliqué sa conduite par des difficultés qu'il vivait dans sa vie personnelle, sans donner plus de détails. Le syndicat ne conteste pas les faits reprochés, mais il estime que l'employeur aurait dû se douter que ceuxci étaient en lien avec les problèmes de consommation de drogues et d'alcool du plaignant et qu'il aurait dû en tenir compte dans l'appréciation de son dossier.
Décision
Hormis le cas du salarié qui est en situation de déni au regard de son problème de consommation (Stewart c. Elk Valley Coal Corp. (C.S. Can., 2017-06-15), 2017 CSC 30, SOQUIJ AZ-51401132, 2017EXP-1838, 2017EXPT-1019, [2017] 1 R.C.S. 591) ou celui de l'employeur qui ferme les yeux sur des «indices sérieux» de toxicomanie (Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 21 et Tripap inc. (T.A., 1999-05- 21), SOQUIJ AZ-99141209, D.T.E. 99T-764, [1999] R.J.D.T. 1406), il «va de soi que tant que l'employeur ignore le problème d'alcoolisme ou de toxicomanie d'un de ses employés, sa responsabilité dans la reconnaissance et le traitement de ce problème ne peut être engagée» (ArcelorMittal et Syndicat des métallos (Sébastien Émond), (T.A., 2012-10-01), SOQUIJ AZ50906886, 2012EXP-4086, 2012EXPT-2300, D.T.E. 2012T-808, paragr. 87). En l'espèce, le plaignant était conscient de son problème. Il a reconnu à plusieurs reprises lors de son témoignage qu'il se savait dépendant à l'alcool et à la drogue. Il a d'ailleurs fait part de 3 thérapies qu'il a entreprises entre 2017 et 2022. Ayant connu une rechute au cours de la période de janvier à juillet 2022, le plaignant a indiqué les nombreux tourments qu'il a connus en raison de cette dépendance et de sa volonté de retourner chez lui après le travail pour consommer. Or, il n'en a pas fait mention aux gestionnaires lors des rencontres disciplinaires (ni même au cours des mois précédents). Il aurait alors pu changer la donne, ne pas se restreindre à faire une référence générale à des «problèmes personnels» et accepter la proposition qui lui aurait été faite de contacter le programme d'aide aux employés, mais il ne l'a pas fait. Rien n'indique qu'il en aurait parlé à des collègues non plus. De plus, les gestionnaires n'ont pas eu connaissance de faits ou d'événements, soit au travail ou sur les lieux de l'entreprise, qui auraient pu leur permettre de faire un lien entre la conduite du plaignant et un problème de toxicomanie. À cet égard, ce dernier a indiqué à de nombreuses reprises qu'il ne consommait pas sur les lieux de travail ni pendant ses heures de travail. Contrairement à ce que soutient le syndicat, le fait qu'il s'absentait régulièrement ou qu'il demandait à partir plus tôt ne constituait pas des indices révélant des problèmes de consommation. Enfin, le plaignant savait que les informations personnelles médicales divulguées au «Pôle Santé» de l'entreprise n'étaient pas connues des gestionnaires, l'interaction entre eux demeurant de nature purement administrative. En somme, campé dans son mutisme, le plaignant a fait un choix. C'est le sien, même si, avec le recul, ce choix l'a privé de la possible protection que garantit la Charte des droits et libertés de la personne pour les personnes souffrant d'un handicap. Dans un tel contexte et vu la gravité de la conduite qu'on lui reproche, la suspension et le congédiement étaient justifiés.