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Passer outre au principe de la progression des sanctions

Un soudeur qui a fumé dans l'usine, qui a fait preuve d'insubordination et qui a utilisé un langage abusif à l'égard de son superviseur n'a pas commis une faute suffisamment grave pour justifier de passer outre au principe de la progression des sanctions; la plainte (art. 124 L.N.T.) est accueillie et une suspension de 2 semaines est substituée au congédiement.
25 juillet 2024

Intitulé

Carbonneau c. Acier Breton 2016 inc., 2024 QCTAT 1716

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Montérégie

Type d'action

Plainte en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail à l'encontre d'un congédiement — accueillie.

Décision de

Geneviève Drapeau, juge administrative

Date

16 mai 2024


Décision

Le plaignant occupait un poste de soudeur — l'employeur prétend avoir mis fin à l'emploi de ce dernier parce qu'il a enfreint à 3 reprises le règlement interdisant de fumer dans l'usine, a refusé d'obtempérer aux directives de son superviseur et a utilisé un langage abusif à l'égard de ce dernier — le plaignant admet avoir commis une faute en tenant des propos inappropriés, mais prétend que le congédiement est une mesure disproportionnée — le premier avis verbal invoqué par l'employeur ne peut être qualifié de première mesure puisque ce n'est pas le plaignant qui a été vu en train de fumer, mais des collègues — l'événement du 21 avril 2021 démontre que ce dernier avait connaissance de l'interdiction de fumer, mais cette situation ne peut être utilisée afin d'établir qu'il y a eu une récidive — elle ne peut donc être prise en considération dans l'application du principe de la progression des sanctions — l'événement du 13 septembre 2021 est le premier avis verbal qui a été donné au plaignant pour avoir fumé sur les lieux du travail — quant à l'incident du 15 septembre 2021, ce n'est pas le superviseur qui a vu le plaignant en train de violer le règlement, mais le chef d'équipe de soir — le superviseur n'a pas été témoin des événements et n'a fait que rapporter ce qu'il avait entendu — il s'agit de ouï-dire et ses propos sont contredits par le plaignant — l'employeur n'a pas démontré que celui-ci avait enfreint le règlement en fumant durant la soirée du 15 septembre — à la suite de cet incident, le superviseur et le président de la compagnie ont décidé de suspendre le plaignant pendant 1 semaine pour avoir fumé à 3 reprises dans l'usine — cette suspension n'a jamais eu lieu — le superviseur n'est pas parvenu à joindre le plaignant — lorsque ce dernier s'est présenté au travail et que le superviseur lui a annoncé qu'il était suspendu, le plaignant a refusé de quitter les lieux et a injurié son superviseur — le 20 septembre, l'employeur a fait parvenir une lettre au plaignant l'informant qu'il était congédié — les propos tenus par ce dernier étaient irrespectueux et offensants — il s'agissait d'une faute — l'usage de telles injures en milieu de travail est inacceptable, quelles que soient les explications données — bien que la loi interdise de fumer en milieu de travail, l'employeur n'a pas démontré les conséquences néfastes et dangereuses du geste commis par le plaignant — au moment des événements, il n'avait aucune politique ou directive antitabac — il n'a pas non plus prouvé que des règles contre l'usage du tabac étaient connues de ses employés — au contraire, il a fait preuve de tolérance à l'égard de ceux-ci et il leur permettait même, à une certaine époque, de fumer dans quelques endroits — bien que l'employeur soit fondé à ne pas tolérer que les employés fument dans l'usine, il n'a pas prouvé que le plaignant avait eu une telle conduite à plusieurs reprises — il a plutôt démontré que le plaignant avait fumé à 1 seule occasion, soit le 13 septembre 2021, et que celui-ci avait alors reçu un avis verbal — le Tribunal ne retient pas non plus la suspension comme un élément relatif à la progression des sanctions puisqu'elle n'a finalement pas été imposée ni purgée — l'avis a été donné de façon concomitante du congédiement et certains des motifs invoqués par l'employeur n'ont pas été prouvés — il n'a donc pas pu permettre au plaignant de comprendre son comportement et de le modifier — rien dans la preuve ne permet de conclure que le plaignant a commis une faute grave justifiant une rupture immédiate de son lien d'emploi — il n'a pas fait l'objet d'un accompagnement structuré qui lui aurait permis de s'amender — l'employeur n'a pas respecté le principe de la progression des sanctions avant de procéder au congédiement — il a agi de façon précipitée sans effectuer d'enquête sérieuse — il n'a pas jugé bon d'obtenir la version du plaignant, le privant ainsi de la possibilité de donner des explications — ce dernier a toutefois fait preuve d'insubordination en refusant de partir lorsque le supérieur le lui a demandé et il lui a manqué de respect en l'injuriant — les propos grossiers et irrespectueux en milieu de travail sont inacceptables et ne peuvent être tolérés — le plaignant a donc commis une faute que l'employeur pouvait sanctionner — ce dernier devait démontrer que la faute était suffisamment sérieuse pour justifier le congédiement, qu'aucune autre sanction n'était appropriée, qu'il s'agissait de la seule mesure possible dans les circonstances et que l'application du principe de la progression des sanctions n'était pas appropriée — l'employeur n'a pas fait cette démonstration — le congédiement paraît disproportionné par rapport à la faute commise — il est donc déraisonnable — le plaignant a plus de 10 ans d'ancienneté et, avant les événements en cause, il avait un dossier disciplinaire vierge — une suspension de 2 semaines est substituée au congédiement.