Intitulé
Labbé c. Rio Tinto Alcan inc., 2024 QCTAT 1121
Juridiction
Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Saguenay--Lac-Saint-Jean
Type d'action
Plaintes en vertu des articles 122 et 124 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) à l'encontre d'un congédiement — une plainte est rejetée, l'autre est accueillie.
Décision de
Lyne Thériault, juge administrative
Date
2 avril 2024
Décision
Le 9 novembre 2021, la plaignante, une comptable dans une aluminerie, a été congédiée au motif qu'elle ne satisfaisait pas aux exigences de son poste — le matin même, et avant la rencontre ayant mené à sa fin d'emploi, elle avait en main un certificat médical prévoyant un arrêt de travail pour la période du 9 novembre au 12 décembre 2021 — les conditions d'ouverture du recours prévu à l'article 124 L.N.T. sont réunies — il revient à l'employeur de démontrer qu'il disposait d'une cause juste et suffisante de congédiement — la preuve prépondérante démontre que la plaignante n'avait pas les compétences requises pour occuper son poste — l'employeur n'a toutefois pas rempli toutes les exigences préalables à un congédiement administratif — la plaignante connaissait les politiques de l'entreprise et les attentes qu'avait fixées l'employeur à son égard — ses lacunes lui avaient par ailleurs été signalées à de nombreuses reprises depuis le début de son emploi — or, les mouvements au sein de l'équipe ne permettent pas d'expliquer ces lacunes, tels le manque de profondeur dans le traitement des dossiers, l'incapacité à valider la cohérence des informations relayées au partenaire d'affaires et le manque d'initiative ou de leadership — bien que le soutien offert à la plaignante pour corriger ses lacunes et atteindre ses objectifs n'ait pas été parfait puisqu'il semble s'être effrité à l'échéance du plan d'amélioration de la performance, il était suffisant pour satisfaire à l'exigence en la matière — la plaignante a bénéficié d'un délai raisonnable pour s'amender — le relâchement du suivi du plan d'amélioration après son échéance est discutable, mais la plaignante a tout de même bénéficié de près de 15 mois pour s'améliorer — elle n'a toutefois pas été prévenue du risque de congédiement en l'absence d'une amélioration de sa part — on se serait attendu d'une grande organisation telle que celle de l'employeur qu'elle mette clairement par écrit le risque que courait la plaignante de perdre son emploi au terme d'un exercice comme le plan d'amélioration de la performance — cela n'a pas été fait — l'employeur affirme avoir prévenu la plaignante de ce risque à 2 occasions, soit lors de l'élaboration du plan d'amélioration de la performance et lors de sa mise en oeuvre — cette dernière le nie — l'omission de mettre cette information par écrit et la contradiction entre les témoignages suscitent un doute — l'employeur laisse entendre que la plaignante ne pouvait ignorer que son emploi était en jeu — si cela pouvait être vrai au moment de l'établissement du plan d'amélioration de la performance, la situation après son échéance ne permet pas de conclure ainsi — en plus de ne pas avoir fait référence au plan en question pendant près de 5 mois après son échéance, l'employeur a envoyé des signaux contradictoires à la plaignante, notamment lorsqu'il lui a demandé de remplacer son supérieur immédiat pendant une réunion de direction à l'été 2021 ou qu'il lui a offert de répartir ses tâches différemment — après l'échéance du programme d'amélioration de la performance, l'employeur n'a rien fait de suffisamment concret afin de poursuivre les efforts, d'informer clairement la plaignante de ses nouvelles attentes et, surtout, de la mettre en garde quant à un éventuel congédiement — le processus mis en place par l'employeur devait être objectif et équitable — à la lumière des circonstances, il ne l'a pas été — la plaignante a été congédiée sans cause juste et suffisante — le congédiement est annulé.
Quant à la plainte en vertu de l'article 122 L.N.T., le congédiement de la plaignante n'était pas un prétexte pour se débarrasser d'elle en raison de l'exercice d'un droit — l'employeur disposait d'une autre cause pour mettre fin à son emploi, soit l'incompétence.