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Cadre ou salariée?

Même si la plaignante, une adjointe aux opérations, reçoit ses mandats directement de la directrice générale et bénéficie d'une grande autonomie pour les exécuter, elle ne possède pas le statut de cadre; elle ne bénéficie d'aucune délégation réelle et effective de pouvoir ou d'autorité.
13 juin 2024

Intitulé

Senia c. Service d'orientation et d'intégration des immigrants au travail de Québec, 2024 QCTAT 978

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Québec

Type d'action

Plainte en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) à l'encontre d'un congédiement — rejetée — plainte en vertu de l'article 123.6 L.N.T. pour harcèlement psychologique — absence de compétence du TAT.

Décision de

Daniel Blouin, juge administratif

Date

20 mars 2024


Décision

La plaignante, qui occupait un poste d'adjointe aux opérations chez l'employeur, un organisme sans but lucratif, prétend avoir fait l'objet d'un congédiement déguisé — elle soutient également avoir été victime de harcèlement psychologique — l'employeur invoque un moyen préliminaire de non-recevabilité, alléguant que la plaignante était une salariée syndiquée au moment du dépôt de la plainte — il prétend qu'elle ne peut se prévaloir du recours prévu à l'article 124 L.N.T. puisqu'elle avait accès à une procédure équivalente — l'employeur allègue également que le Tribunal n'est pas saisi d'une plainte pour harcèlement psychologique — la CNESST a informé la plaignante que sa plainte pour harcèlement psychologique était irrecevable — cette dernière n'a pas exercé son droit de révision — elle n'a pas non plus demandé que la plainte soit déférée au Tribunal — la CNESST n'a donc jamais déféré la plainte au Tribunal — celui-ci ne peut se saisir d'une plainte pour harcèlement introduite directement par un plaignant au moyen d'un acte de procédure — le Tribunal n'a pas compétence pour se prononcer sur la demande de la plaignante.

En ce qui a trait à la plainte en vertu de l'article 124 L.N.T., la preuve ne permet pas de reconnaître à la plaignante le statut de cadre — la plaignante n'a pas d'employés qui relèvent d'elle — elle participe à l'embauche et à l'intégration des nouveaux salariés, mais n'a aucune autorité administrative à leur endroit — elle reçoit ses mandats directement de la directrice générale et bénéficie d'une large autonomie pour les exécuter, en plus de rencontrer des tiers pour négocier des ententes de partenariat — elle n'a cependant pas le pouvoir de lier légalement l'organisme — les ententes doivent être signées par la directrice générale — bien que son bureau soit situé dans une section réservée à l'équipe de direction et qu'une collègue la considère comme une cadre, la plaignante ne bénéficie d'aucune délégation réelle et effective de pouvoir ou d'autorité — elle détient une autorité professionnelle dans certains dossiers — or, la simple autorité à caractère fonctionnel ou professionnel ne suffit pas pour priver une personne du statut de salarié — au moment du congédiement allégué, la plaignante était une salariée assujettie à la convention collective.

En vertu de la Loi sur les normes du travail, une plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante n'est accessible au salarié que s'il ne dispose d'aucune autre procédure de réparation équivalente — une procédure d'arbitrage de griefs comprise dans une convention collective offre généralement un recours équivalant à celui prévu à l'article 124 L.N.T. — une procédure de règlement des litiges et d'arbitrage de griefs est prévue à l'article 22 de la convention collective — cette procédure s'apparente à celle que l'on trouve aux articles 100 à 102 du Code du travail — la plaignante avait accès à la procédure de griefs prévue à la convention collective pour contester la décision de l'employeur ayant mis fin à l'entente patronale-syndicale — il s'agit d'un litige qui met en cause l'application de la convention collective — seul l'arbitre de griefs est compétent pour trancher cette mésentente.