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Congédiement sans préavis

Une entreprise de courtage en valeurs mobilières a démontré que les manquements répétés d'un conseiller en placement à ses obligations constituaient une faute grave qui justifiait de procéder à son congédiement sans préavis; elle est toutefois tenue de verser l'indemnité de congé annuel due au salarié, ses absences non autorisées ne pouvant être considérées comme des jours de vacances.
13 mars 2024

Parties

Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Dubeau Capital & Compagnie ltée

Juridiction

Cour du Québec, Chambre civile (C.Q.), Québec

Type d'action

Demande introductive d'instance en réclamation d'indemnités en vertu de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.). Accueillie en partie.

Décision de

Juge Pierre A. Gagnon

Date

14 décembre 2023


La Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) réclame des indemnités pour salaire impayé, congé annuel, jours fériés et préavis de cessation d'emploi au nom d'un ancien salarié de l'entreprise de courtage en valeurs mobilières défenderesse. La défenderesse nie devoir quelque somme que ce soit au salarié, un conseiller en placements. Elle soutient qu'il a commis une faute grave en ne respectant pas son horaire de travail et les politiques de l'entreprise, en s'absentant fréquemment sans justification et en refusant de satisfaire à ses demandes.

Décision

Outre un courriel transmis le 16 octobre 2019 dans lequel un associé de l'entreprise indiquait au salarié que les choses ne pouvaient plus fonctionner de la même façon, la défenderesse ne lui a jamais transmis de document l'informant qu'il était congédié. Il existe toutefois des présomptions de fait graves, précises et concordantes démontrant que la fin d'emploi a eu lieu le 18 octobre suivant, soit lorsque le salarié s'est présenté au travail pour récupérer ses diplômes et vider son bureau. Cela démontre que celui-ci considérait que la relation d'emploi était terminée, ce qui est confirmé par le fait qu'il ne se soit pas présenté au travail la semaine suivante. Le tribunal aurait d'ailleurs pu conclure à une démission dans les circonstances. Par conséquent, la réclamation de la CNESST du salaire impayé pour la période du 21 au 25 octobre n'est pas fondée.

En ce qui a trait à l'indemnité tenant lieu de préavis de cessation d'emploi, la défenderesse invoque l'exception de la faute grave prévue à l'article 82.1 L.N.T. Il a été démontré que le salarié avait manqué à ses obligations de manière répétée durant sa période d'emploi. En plus d'arriver fréquemment en retard ou de quitter le travail prématurément, le salarié s'absentait souvent, et ce, sans explications ou justifications. Il n'a pas donné suite non plus à certaines demandes de la défenderesse, notamment d'assister à une formation et de cesser de regarder des jeux vidéo pendant les heures de travail. Ces manquements répétés ont culminé avec l'absence non autorisée que le salarié a imposée à la défenderesse les 16 et 17 octobre 2019 et l'insubordination dont il a fait preuve en ne produisant pas un document demandé par un associé. La CNESST soutient que la défenderesse n'a pas respecté le principe de la progression des sanctions. Or, le salarié a compris que la sanction du congédiement s'appliquait en raison des nombreux avertissements qu'il avait préalablement reçus. La défenderesse ayant démontré la faute grave du salarié, la réclamation pour l'indemnité de préavis de cessation d'emploi est rejetée.

La réclamation de la CNESST pour l'indemnité prévue à l'article 62 L.N.T. est mal fondée. En effet, il appert que le salarié a bien reçu sa rémunération fondée sur le partage des honoraires de gestion pour chaque jour férié et chômé visé par cette disposition. En ce qui a trait à l'indemnité de congé annuel, le tribunal ne retient pas la prétention de la défenderesse selon laquelle le salarié aurait bénéficié de l'équivalent de son congé annuel en s'absentant du travail au moins une dizaine de jours. Ni la défenderesse ni le salarié n'ont considéré que ces journées d'absence étaient prises à titre de vacances. La défenderesse ne peut, a posteriori, qualifier de jours de vacances ce qui était en réalité des absences injustifiées sur lesquelles elle a notamment fondé son allégation de faute grave. La défenderesse est condamnée à payer une indemnité de congé annuel de 2 769 $ au salarié. Il y a également lieu d'accorder l'indemnité de 20 % de cette somme à la CNESST, tel que cela est prévu à l'article 114 L.N.T. La défenderesse n'a pas soulevé une question de droit sérieuse, sa prétention selon laquelle l'indemnité de congé annuel n'était pas payable étant incompatible avec sa prétention fondamentale selon laquelle le salarié a été congédié notamment en raison de ses absences injustifiées.