Parties
Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (CSN) et Gouvernement du Québec - Ministère de la Sécurité publique (Marie-Carmel Dagrain)
Juridiction
Tribunal d'arbitrage (T.A.)
Type d'action
Griefs pour harcèlement psychologique et atteinte à la réputation. Accueillis.
Décision de
Me Richard Mercier, arbitre
Date
3 novembre 2023
La plaignante, une agente des services correctionnels dans un centre de détention à sécurité maximale, soutient être victime de harcèlement psychologique et reproche à l'employeur de n'avoir pris aucune mesure pour que cesse l'atteinte à sa réputation à la suite de propos mensongers de collègues décriant notamment sa proximité malsaine avec les personnes incarcérées.
Décision
Il ne fait aucun doute qu'un citoyen ordinaire estimerait que les propos tenus à l'encontre de la plaignante ont déconsidéré sa réputation par leur nature offensante, blessante, dégradante et déshonorante. Cette dernière a été atteinte dans sa dignité. Elle a vécu une détresse psychologique qui l'a obligée à s'absenter de son travail. Tous les témoins entendus ont affirmé unanimement que de tels propos circulant dans un établissement de détention sont hautement préjudiciables parce qu'ils entraînent une perte de confiance dans l'agent visé et l'isolent de ses collègues. La lésion professionnelle de la plaignante a un lien direct avec les rumeurs colportées à son sujet. Par ailleurs, le grief pour harcèlement psychologique cible 1 seule conduite, soit les propos tenus par un collègue en particulier. Celui-ci a répété, dans un endroit où circulent tant des agents correctionnels que des personnes incarcérées, qu'il avait vu la plaignante donner une accolade à un détenu, mettant ainsi cette dernière à risque. La gravité d'une conduite se mesure de manière contextuelle, en analysant la nature des paroles prononcées et les répercussions possibles sur le milieu de travail. En l'espèce, la plaignante travaille dans un centre à sécurité maximale avec des personnes incarcérées dont le comportement peut à tout moment devenir explosif au point de mettre en danger les agents correctionnels. Pour leur propre sécurité, ceux-ci se doivent de maintenir entre eux une confiance mutuelle absolue dans l'accomplissement de leur travail. La moindre rumeur susceptible de discréditer un agent peut être catastrophique pour lui. Pour ces raisons, le Tribunal estime que la conduite en cause est grave au point de constituer du harcèlement psychologique. En plus d'atteindre la plaignante dans sa dignité, cette conduite a eu sur elle un effet nocif continu et l'a rendue malade. Enfin, en rejetant la plainte de la plaignante au motif qu'il s'agissait plus d'incivilité que de harcèlement, l'employeur a fait preuve d'aveuglement volontaire. La seule mesure qu'il a prise a été de rencontrer le collègue en cause et de lui donner un avertissement. Comme c'est souvent le cas en pareilles circonstances, c'est la victime qu'on a déplacée plutôt que le harceleur. Cette décision n'a pas fait taire les rumeurs puisque celles-ci ont continué de se répandre pendant l'arrêt de travail pour cause de maladie de la plaignante. Le Tribunal conclut que l'employeur n'a pas pris les moyens raisonnables pour prévenir et faire cesser la conduite qui avait été portée à sa connaissance. Il réserve sa compétence pour déterminer les mesures de réparation appropriées.