Parties
Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et Les avocats et les notaires de l'État québécois (Pascale Goulet)
Juridiction
Tribunal d'arbitrage (T.A.)
Type d'action
Grief contestant un congédiement. Accueilli.
Décision de
Me Dominic Garneau, arbitre
Date
24 octobre 2023
L'employeur a congédié la plaignante, une avocate, suivant les résultats d'une filature qui, selon lui, démontrent qu'elle a exagéré les limitations de mouvement qui la maintenaient en situation d'invalidité. En plus de faire valoir que la plaignante a été l'objet d'un congédiement discriminatoire, le syndicat conteste la recevabilité en preuve du rapport de filature, notamment en raison de son caractère tardif. Il soutient subsidiairement que ce rapport ne démontre aucune activité incompatible avec les déclarations de la plaignante.
Décision
Une filature doit avoir lieu de façon concomitante des faits qui la justifient. En l'espèce, si l'employeur avait déjà en main un rapport d'expert lui donnant des motifs raisonnables de procéder à une filature, il a attendu d'obtenir un rapport complémentaire pour ce faire. Cependant, les motifs qui auraient initialement justifié la filature étaient toujours présents au moment de la réception du rapport complémentaire. En effet, la situation n'avait pas réellement évolué et paraissait même stagnante. Le retour progressif de la plaignante n'était pas encore possible; celle-ci décrivait encore à ses médecins des limitations importantes dans ses activités de la vie quotidienne. De plus, même si dans les faits l'obtention du protocole opératoire et l'expertise complémentaire n'ont pas apporté d'éléments déterminants pour la prise de décision de l'employeur, des questions médicales importantes telles que la date de consolidation et la durée des soins étaient restées sans réponse dans le rapport initial. Dans ce contexte, il aurait été déraisonnable de la part de l'employeur de confier un mandat de filature sur la base du premier rapport d'expert alors que certaines questions demeuraient en suspens. Par ailleurs, recevoir en preuve le rapport de filature ne déconsidérerait pas l'administration de la justice.
Quant au fond, le rapport obtenu ne contient rien de convaincant. Bien que certains gestes de la plaignante paraissent suspects, les images vidéo captées ne montrent pas clairement celle-ci en train de faire des gestes qu'elle aurait déclaré être incapable d'accomplir. On n'y voit pas non plus d'activités impliquant des éléments de force, à moins d'estimer le poids de certains objets et de recourir à l'imagination pour compléter ce que les enregistrements ne montrent pas. De plus, la courte durée des séquences empêche de tirer toute conclusion raisonnable concernant des activités requérant de l'endurance. Il aurait fallu le regard d'un expert médical. Or, l'employeur a tiré ses conclusions dès le visionnement de la première vidéo de filature. La plaignante n'a pas pour autant fait l'objet d'un congédiement abusif ou discriminatoire. L'employeur était mû par sa conviction ferme, mais sincère, que celle-ci contrevenait à ses obligations de loyauté, d'honnêteté, d'intégrité, de probité et d'assiduité. Le Tribunal se limite à conclure que les fautes graves que l'employeur reproche à la plaignante n'ont pas été prouvées.