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Consommé du cannabis durant une opération de déneigement

La légalisation du cannabis n'est pas déterminante dans l'analyse de la sévérité de la sanction car, malgré le changement législatif, l'employeur demeure autorisé à interdire toute consommation de drogue au travail.
21 février 2024

Parties

Syndicat des cols bleus de Ville de Laval inc., SCFP, section locale 4545 et Ville de Laval (Normand Routhier)

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Griefs contestant une suspension et un congédiement. Rejetés.

Décision de

Me Frédéric Tremblay, arbitre

Date

23 novembre 2023


Au terme d'une enquête, l'employeur a congédié le plaignant, qui occupait le poste de journalier, parce qu'il aurait consommé du cannabis durant une opération de déneigement et qu'il aurait ensuite continué à travailler. Le syndicat est d'avis que la suspension est illégale, car elle survient tardivement, soit plus de 1 mois après que les représentants de l'employeur ont été informés des allégations de consommation de cannabis par 2 citoyens et alors que l'enquête était déjà terminée. Pour ce qui est du congédiement, le syndicat soutient que la faute n'a pas été démontrée puisque les témoignages des 2 citoyens sont exagérés et contradictoires en plus d'être contredits par le plaignant et l'un de ses collègues. Subsidiairement, le syndicat allègue que le congédiement est une sanction déraisonnable.

Décision

Le délai avant que l'employeur n'impose la suspension est raisonnable dans les circonstances, vu l'incertitude qui existait quant à la véracité des allégations. De plus, la suspension aux fins d'une enquête était justifiée notamment parce qu'elle visait à protéger les salariés, le public et les biens de l'employeur du risque que représente un signaleur qui travaille à une opération de déneigement après avoir consommé du cannabis. En somme, la suspension était nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l'employeur.

Au regard de la question du congédiement, le Tribunal conclut de l'analyse de la preuve testimoniale et documentaire que les faits reprochés au plaignant ont été démontrés. La jurisprudence arbitrale reconnaît de manière constante que la consommation de cannabis au travail est un manquement qui justifie l'imposition d'une mesure disciplinaire. La sanction retenue par l'employeur est justifiée dans les circonstances. L'article 2088 du Code civil du Québec impose au salarié d'exécuter son travail avec prudence et diligence. L'article 49 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail édicte notamment qu'un travailleur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité ainsi que son intégrité physique et psychique. Ce même article prévoit que le travailleur doit aussi veiller à ne pas mettre en danger la santé, la sécurité ou l'intégrité physique ou psychique des autres personnes qui se trouvent sur les lieux du travail ou à proximité. En l'espèce, le plaignant a manqué à ses obligations. Il est vrai que, au moment de son congédiement, ce dernier avait un dossier disciplinaire vierge et qu'il était au service de l'employeur depuis environ 9 ans. Le Tribunal retient également à titre de facteur atténuant que les manquements constituent un événement isolé. Cependant, ces facteurs ne font pas le poids devant la gravité de la faute et les facteurs aggravants. La jurisprudence arbitrale considère comme des facteurs aggravants la consommation de drogue d'un salarié dont les fonctions comportent des risques pour lui-même ou pour des tiers ainsi que le fait que cette consommation a pu compromettre la santé ou la sécurité du salarié ou encore celles de tiers, comme c'est le cas en l'espèce. Est également reconnue comme un facteur aggravant la commission d'une faute par un salarié qui travaille sans supervision, comme le plaignant. Celui-ci connaissait en outre la politique de «tolérance zéro» de l'employeur en matière de consommation de drogue. Le Tribunal retient par ailleurs contre le plaignant son manque de franchise et de transparence durant l'enquête. Enfin, la légalisation du cannabis n'est pas déterminante dans l'analyse de la sévérité de la sanction car, malgré le changement législatif, l'employeur demeure autorisé à interdire toute consommation de drogue au travail.