Parties
FIQ - Syndicat interprofessionnel de Lanaudière et CISSS de Lanaudière (Darnika Brisard-Ariste)
Juridiction
Tribunal d'arbitrage (T.A.)
Type d'action
Griefs pour harcèlement au travail et à l'encontre d'un refus de réintégration. Rejetés.
Décision de
M. Serge Rochon, arbitre
Date
21 août 2023
La plaignante, une infirmière assistante au supérieur immédiat dans un centre d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), prétend avoir fait l'objet de harcèlement de la part de plusieurs salariés. Les allégations visent principalement une infirmière auxiliaire. La plaignante reproche à l'employeur de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour faire cesser ce harcèlement. Elle conteste également le refus de l'employeur de la réintégrer à l'occasion d'une absence pour invalidité, alors que son médecin l'autorisait à retourner au travail. L'employeur soutient qu'il était fondé à reporter la réintégration de la plaignante afin de vérifier, par l'intermédiaire d'une expertise médicale, qu'elle pouvait remplir ses fonctions en toute sécurité.
Décision
La plaignante n'a pas fait l'objet d'une conduite vexatoire lors de la dispute survenue avec l'infirmière auxiliaire. L'enregistrement produit par la plaignante démontre qu'elle ne s'est pas comportée comme une victime, mais plutôt comme l'instigatrice de la dispute, au cours de laquelle elle a tendu des pièges à l'infirmière auxiliaire. Cette dernière s'est finalement énervée; elle a tenu des propos inappropriés et a fait des gestes qui pouvaient sembler agressifs et qui lui ont été reprochés dans la plainte pour harcèlement déposée par la plaignante auprès de l'employeur. La prétention de cette dernière voulant qu'elle ait craint pour sa sécurité n'a aucun fondement. Quelques semaines plus tard, lorsque la plaignante est allée voir l'infirmière auxiliaire pour lui parler de l'organisation du travail, cette dernière a fait preuve d'incivilité et l'a insultée. Dans les circonstances, ce geste d'incivilité n'est toutefois pas suffisant pour démontrer que l'infirmière auxiliaire a fait preuve de harcèlement envers la plaignante. Il s'agissait d'un geste isolé s'inscrivant dans un contexte conflictuel auquel la plaignante avait contribué. Les événements décrits par la plaignante en lien avec ce conflit, qu'elle a créé en partie, ne constituent pas des conduites vexatoires ni du harcèlement.
Le syndicat soutient que l'employeur a contrevenu à son obligation d'accommodement en réintégrant la plaignante le 4 novembre 2018, alors qu'elle avait été déclarée apte au travail à partir du 9 avril précédent. Le Tribunal estime cependant que l'employeur était fondé à reporter le retour au travail de la plaignante pour vérifier son aptitude à reprendre celui-ci en toute sécurité. Outre la durée de l'invalidité, soit près de 2 ans, le retour progressif au travail s'est échelonné sur plus de 1 année, dépassant ainsi amplement les normes habituelles en la matière. Au surplus, ce retour progressif n'a pas donné les résultats attendus puisque la plaignante a fait une rechute. L'employeur était donc fondé à croire qu'elle souffrait possiblement d'une invalidité durable et grave. En outre, la plaignante avait été informée que ses prestations d'assurance-salaire arrivaient à terme et qu'elle serait privée de tout revenu à partir du 25 avril 2018, à moins de revenir au travail. L'employeur pouvait donc entretenir des doutes lorsqu'il a reçu la demande de retour au travail. Enfin, il avait raison de ne pas se contenter du billet médical laconique du médecin de la plaignante, lequel ne traitait pas de certains éléments essentiels reliés à la capacité de cette dernière de réintégrer son milieu de travail. À partir du 23 mai 2018, le médecin de l'employeur et médecin de la plaignante s'entendaient sur le fait que celle-ci était apte au travail, mais ne pouvait retourner dans son poste au CHSLD. Lors de son témoignage, le conseiller en santé et sécurité du travail responsable du suivi du dossier de la plaignante a mentionné que, selon lui, le délai avant que la plaignante ne commence à travailler dans son nouveau poste s'expliquait par les approbations qui étaient nécessaires au cheminement du dossier. La plaignante a contribué à prolonger le délai en soumettant des exigences quant aux caractéristiques du poste auquel elle serait affectée et elle doit accepter sa part de responsabilité. Malgré la durée du processus d'accommodement, rien n'indique que l'employeur ait été fautif.