Parties
Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec inc. et Gouvernement du Québec - Ministère de la Sécurité publique (Christiane Bertrand)
Juridiction
Tribunal d'arbitrage (T.A.)
Type d'action
Grief pour harcèlement psychologique. Accueilli.
Décision de
Me Richard Mercier, arbitre
Date
7 août 2023
La plaignante, une aide à la cuisine, reproche à l'employeur de ne pas avoir pris des moyens raisonnables pour qu'elle puisse travailler dans un milieu exempt de violence et de harcèlement psychologique. Le grief concerne un événement unique au cours duquel un collègue lui aurait passé les mains autour du cou puis, alors qu'elle s'était rendue à la salle de bains, se serait collé contre elle en lui chuchotant des paroles à connotation sexuelle («excuse-moi pour mon pénis»).
Décision
L'agresseur a intentionnellement et sans justification agressé physiquement la plaignante en lui serrant le cou avec une telle force que celle-ci a cru qu'elle allait mourir. Cette conduite grave a porté atteinte à la dignité ainsi qu'à l'intégrité psychologique et physique de la plaignante, en plus d'avoir sur elle un effet nocif continu. Le fait que cette dernière ne se soit pas absentée du travail après son agression ne peut être interprété comme une preuve d'absence de traumatisme, pas plus que le fait que la plaignante n'ait pas cherché à obtenir de l'aide psychologique. Toute interruption de travail signifiait pour elle un manque à gagner salarial. Par ailleurs, bien que les propos tenus dans la salle de bains aient un caractère sexuel, les éléments mis en preuve n'évoquent pas la sollicitation d'une faveur sexuelle. Le Tribunal ne peut conclure à du harcèlement sexuel. Dans les circonstances, il s'agissait plutôt d'une conduite intimidante qui s'inscrivait dans un continuum de harcèlement psychologique.
L'employeur ne peut prétendre qu'il s'est acquitté de ses obligations du seul fait que la conduite ne s'est pas reproduite. Dans un tel cas, un employeur doit s'assurer que les mesures qu'il entend mettre en place permettront à la victime de ne plus craindre son agresseur. Celles-ci doivent être prises dans l'unique intérêt de la victime et doivent permettre la poursuite du travail en toute sécurité. En l'espèce, l'employeur a fait preuve d'aveuglement volontaire et a cherché à banaliser la conduite de l'agresseur. Il n'a pris aucun moyen immédiat pour séparer celui-ci de sa victime. Il l'a maintenu à son poste, ne lui imposant qu'une simple réprimande écrite. Il a convaincu la plaignante de ne pas porter plainte à la police. Il n'a jamais rencontré les témoins de l'agression, bien qu'il ait eu en main leur déclaration, ce qui soulève des questions quant au sérieux de son enquête. De plus, il a cru la version de l'agresseur selon laquelle il ne s'agissait que d'une blague et a remis en question la survenance même de l'incident. En somme, l'employeur a accordé la préséance aux intérêts de l'agresseur, qu'il considère comme un «bon employé», sur ceux de la plaignante. Dans un tel contexte, force est de conclure qu'il a manqué à ses obligations