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Renoncer à une réintégration

Un concessionnaire d'automobiles a substantiellement modifié les conditions de travail d'une directrice financière en diminuant le pourcentage maximal de ses commissions et en lui retirant l'exclusivité d'une clientèle qui lui assurait des revenus annuels d'environ 25 000 $; le congédiement déguisé est annulé, mais la plaignante renonce à la réintégration.
4 décembre 2023

Parties

Bergeron c. Société en commandite Park Avenue-T

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Montérégie

Type d'action

Plainte en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail à l'encontre d'un congédiement — accueillie

Décision de

Christian Reid, juge administratif

Date

13 juillet 2023


Décision

La plaignante, une directrice financière chez un concessionnaire d'automobiles, allègue avoir fait l'objet d'un congédiement déguisé — l'employeur aurait substantiellement modifié son horaire de travail, la distribution de la clientèle et sa rémunération à son retour d'une mise à pied temporaire liée à la pandémie de la COVID-19 —mécontente de ces changements, la plaignante a informé l'employeur qu'elle ne retournerait pas au travail tant qu'une solution mutuellement satisfaisante n'aurait pas été trouvée — les positions des parties n'ayant pas changé dans les jours suivants, l'employeur a informé la plaignante qu'il mettait fin à son emploi en raison de ses absences injustifiées — il n'existe pas de contrat de travail écrit entre les parties — rien ne permet de conclure que la modification de l'horaire de travail annoncée par l'employeur pouvait constituer une violation au contrat de travail de la plaignante — cette modification n'aurait pas eu d'effet considérable sur le nombre total de ses heures de travail hebdomadaires — en outre, la modification des horaires reposait sur des motifs organisationnels légitimes, soit la diminution des heures d'ouverture du commerce et la décision de l'employeur de ne plus ouvrir les samedis — ce dernier a exercé son droit de direction à cet égard — en ce qui a trait à la distribution de la clientèle, il est vrai que, depuis une quinzaine d'années, la plaignante s'occupait de façon exclusive de la clientèle associée au renouvellement des locations — les origines et le contexte de cette situation n'ayant pas été mis en preuve, il est difficile d'en déduire qu'il y avait quelque entente que ce soit entre l'employeur et la plaignante lui assurant une réelle exclusivité à cet égard — le Tribunal ne voit pas de violation du contrat de travail de la plaignante dans la décision de l'employeur de répartir cette clientèle parmi toutes les directrices financières.

L'employeur a contrevenu au contrat de travail de la plaignante en modifiant unilatéralement les conditions globales de sa rémunération — celle-ci était rémunérée exclusivement à commission et atteignait toujours ses objectifs — la décision de l'employeur de réduire le maximum des commissions de 35 % à 30 % des profits générés, après l'avoir diminué de 2 % l'année précédente, représentait une diminution potentielle d'environ 19 % de la rémunération globale de la plaignante — par ailleurs, la clientèle associée au renouvellement des locations assurait environ 25 000 $ en revenus annuels à la plaignante — la décision de l'employeur de la répartir entre la plaignante et 2 ou 3 autres directrices financières allait nécessairement diminuer considérablement sa capacité totale de rémunération — l'employeur a justifié l'ensemble des modifications annoncées en invoquant la recherche d'équité entre ses salariés — or, ce motif ne peut fonder un employeur à procéder unilatéralement à une baisse des conditions de rémunération convenues avec un salarié — la plaignante a fait l'objet d'un congédiement déguisé, lequel est annulé — celle-ci a confirmé ne pas vouloir être réintégrée en raison de ce qu'elle a vécu chez l'employeur — elle demande une indemnité pour perte d'emploi — or, aucune circonstance exceptionnelle permettant de faire droit à cette demande n'a été démontrée — le Tribunal est conscient des nombreuses frustrations qu'a vécues la plaignante dans les semaines ayant précédé sa fin d'emploi — il appert toutefois que l'employeur l'a toujours grandement respectée et que c'est à regret qu'il n'a pu la convaincre de demeurer à son service — la réintégration aurait été ordonnée si la plaignante n'y avait pas renoncé.