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Un agent de police harcelé

Le plaignant, un agent de police, a été victime de harcèlement psychologique; les exemples ne manquent pas pour illustrer comment un sergent s'en est pris publiquement à celui-ci, tant physiquement qu'au moyen de paroles blessantes et dénigrantes.
2 octobre 2023

Parties

Fraternité des policiers et policières de Montréal et Ville de Montréal (Pascal Corbeil)

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Griefs pour harcèlement psychologique et à l'encontre d'une mutation. Le premier grief est accueilli et le second est rejeté.

Décision de

Me Andrée St-Georges, arbitre

Date

24 avril 2023


Le plaignant, un agent de police, soutient avoir été victime de harcèlement psychologique, lequel se serait manifesté par des évaluations négatives ou critiques de la part de l'employeur, de même que par le comportement de certains collègues. Il prétend également que sa mutation n'était pas fondée.

Décision

Le Tribunal ne voit pas dans les évaluations, voire dans les mises en observation du plaignant, d'éléments suffisants pour conclure qu'elles font nécessairement partie des manifestations de harcèlement psychologique dont celui-ci se dit victime. Toutefois, les gestes, les paroles et les comportements d'un sergent à son endroit posent problème, soit entre le moment où celui-ci est entré en fonction, à l'automne 2014, jusqu'au premier arrêt de travail du plaignant, en décembre 2015. Alors que plusieurs des agents refusaient déjà de travailler avec le plaignant, ce sergent s'est employé lui aussi à le cibler et à alimenter le discrédit à son endroit plutôt que de maîtriser la situation en cherchant à la résoudre ou en donnant l'exemple. Loin d'assainir un climat de travail toxique, il y a contribué. Les exemples ne manquent pas en effet pour illustrer comment le sergent s'en est pris publiquement au plaignant, tant physiquement qu'au moyen de paroles blessantes et dénigrantes. Le Tribunal retient ceux-ci: tasser les effets personnels du plaignant pour qu'ils tombent par terre, le comparer à un singe, à une couleuvre, à un crapaud, à un déficient mental, à un enfant qui «braille» ou encore aux clients d'un site de rencontres (vu son insuccès auprès des femmes), rire de sa voiture, se moquer de sa façon de manger, l'assigner à des tâches ingrates, participer à une séance collective de reproches et même lui donner des coups de pied et lui asséner une claque derrière la tête. En outre, non seulement le sergent portait le titre de superviseur, doublé de celui de délégué syndical, mais le plaignant se trouvait dans une situation professionnelle précaire, vu ses «mises en observation». Le Tribunal note également le fait qu'il a fallu 4 ans après le dépôt de la plainte et du grief du plaignant pour que l'employeur obtienne un rapport d'enquête et se décide à intervenir auprès des 3 mis en cause, dont le sergent en question. Ce rapport ne reflète cependant pas l'étendue des mauvais traitements infligés au plaignant. Il est indéniable que la dignité ainsi que l'intégrité physique et psychologique de ce dernier ont été atteintes et que son milieu de travail était néfaste. Par ailleurs, vu l'attitude du plaignant, la réinsertion dans son milieu de travail n'était pas une option envisageable. Sa mutation était donc raisonnable dans les circonstances.