lois-et-reglements / jurisprudence

Rémunération des rappels au travail d'ingénieurs en télétravail

Le fait que les salariés exécutent leur prestation en mode «télétravail» n'empêche pas, en soi, l'application de l'indemnité minimale de 5 heures prévue pour les rappels au travail qui nécessitent un retour sur les lieux du travail.
10 août 2023

Parties

Syndicat professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec inc. et Hydro-Québec (grief collectif)

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Griefs relatifs aux rappels au travail. Accueillis en partie.

Décision de

Me Francine Lamy, arbitre Date :

Date

8 mars 2023


Le litige porte sur la rémunération des rappels au travail d'ingénieurs assignés en télétravail. Les griefs réclament le paiement de l'indemnité minimale de 5 heures prévue à la convention collective, applicable aux demandes urgentes ou planifiées requérant un retour au travail. Au renouvellement de la convention collective, les parties ont ajouté une indemnité pour les rappels n'exigeant pas que la personne salariée revienne sur les lieux du travail. L'employeur soutient que cette indemnité est celle qui doit être appliquée au télétravail.

Décision

L'interprétation littérale et restrictive des textes qui est proposée par l'employeur heurte de plein fouet les valeurs et principes directeurs de l'intégration du télétravail dans l'entreprise, tout en produisant des effets déraisonnables que les parties n'ont vraisemblablement pas voulus. Il convient plutôt de favoriser la «substance de la règle» afin de circonscrire l'intention des parties. D'une part, l'indemnité introduite dans la nouvelle convention collective et régissant les rappels ne nécessitant pas de retour sur les lieux du travail n'a pas été prévue pour couvrir expressément le télétravail. En effet, elle tire son origine d'une demande syndicale visant à limiter les consultations téléphoniques et a été introduite dans les négociations avant le début de la pandémie de la COVID-19, alors que le télétravail était encore exceptionnel. D'autre part, avant la généralisation du télétravail, les ingénieurs rejoignaient leur poste de travail afin d'avoir accès à l'environnement numérique essentiel à l'exécution du travail requis par certains rappels. En télétravail, ces rappels ont les mêmes exigences: les besoins de l'entreprise ne changent pas, l'ingénieur doit offrir la même performance, les efforts requis et les inconvénients subis sont les mêmes. L'ingénieur doit délaisser ses activités privées, mettre de côté sa vie personnelle lorsqu'une demande requiert qu'il retourne à son domicile pour s'installer au poste de travail afin de se connecter à l'entreprise, ce lieu qu'il a précédemment délaissé au terme de sa journée habituelle. L'envers de la médaille est que les ingénieurs en télétravail n'ont pas toujours droit à l'indemnité la plus avantageuse. En effet, ces indemnités s'appliquent seulement lorsque le besoin urgent ou planifié exige de revenir à leur poste de travail pour accéder à l'environnement numérique de l'entreprise. Les rappels pouvant être résolus sans l'exiger, soit en mobilité par une consultation téléphonique ou une autre forme de travail, demeurent assujettis à l'indemnité invoquée en l'espèce par l'employeur. Ce choix n'appartient pas à l'ingénieur, mais est plutôt dicté par la nature du travail requis pour satisfaire le besoin communiqué par le rappel. Par ailleurs, le fait que la clause régissant les rappels urgents prévoit, en sus du minimum d'heures, une indemnité de déplacement n'est pas un obstacle dirimant à la position du syndicat. En effet, cette indemnité additionnelle a une fonction accessoire. Or, les mentions accessoires ou les modulations particulières ne doivent pas servir à définir la portée d'une règle principale, en l'occurrence l'indemnité de 5 heures. À la lumière de ce qui précède, seul le grief mettant en cause un rappel réglé au moyen d'une consultation téléphonique est rejeté.