Parties
Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (Claudia Alarie)
Juridiction
Tribunal d'arbitrage (T.A.)
Type d'action
Grief contestant un congédiement. Rejeté.
Décision de
Me Éric-Jan Zubrzycki, arbitre
Date
21 novembre 2022
La plaignante, une travailleuse sociale, a été congédiée pour avoir accédé sans autorisation aux dossiers médicaux d'usagers dont elle n'avait pas la responsabilité ni le consentement, et ce, pour son usage personnel. D'une part, elle a consulté des dossiers pour étayer une plainte déposée contre un collègue au syndic de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, prétendant de surcroît avoir reçu l'autorisation de l'Ordre pour ce faire. D'autre part, elle a consulté un dossier afin de retrouver le propriétaire d'un portefeuille perdu ainsi que le dossier d'une usagère mineure fréquentant l'école de son fils en vue de régler un différend avec la mère de celle-ci. Le syndicat ne nie pas que des fautes ont été commises. Il soutient toutefois que la sanction n'a pas été imposée dans le délai prévu à la convention collective. Subsidiairement, il estime que plusieurs facteurs atténuants auraient dû être pris en considération et qu'une peine moins sévère devrait être substituée au congédiement.
Décision
La convention collective prévoit que l'employeur a un délai de 30 jours après la survenance des faits ou de la connaissance de tous les faits pertinents pour imposer une sanction. Ce délai débute généralement à partir du moment où l'employeur a terminé son enquête, sans toutefois que cela puisse dépasser 6 mois. En l'espèce, la supérieure de la plaignante a constaté une violation de confidentialité le 17 mars 2021. Or, la connaissance des faits par un supérieur hiérarchique n'équivaut pas à la connaissance des faits par l'employeur. À partir du moment où il a été mis au courant d'une possible infraction, l'employeur a lancé son enquête et a agi avec diligence. Comme la plaignante était absente du travail pour cause d'invalidité, le Tribunal ne pourrait reprocher à l'employeur d'avoir tardé ou de s'être conduit de manière à prolonger son enquête en s'enquérant de l'état de santé de cette dernière auprès de son médecin traitant afin de s'assurer qu'elle serait en mesure de participer à une rencontre disciplinaire. La plaignante a donné sa version des faits le 19 mai 2021 et a affirmé qu'elle avait obtenu l'autorisation de son ordre professionnel pour consulter les dossiers en lien avec sa plainte contre son collègue. L'employeur a tenté de vérifier cette information auprès de l'Ordre les 25 et 27 mai. Ce n'est qu'à partir du 27 mai que l'employeur avait une connaissance des faits pertinents au sens de la convention collective. La plaignante ayant été congédiée le 1 juin suivant, le Tribunal conclut que l'employeur a respecté les délais de même que la procédure.
Sur le fond, la plaignante a admis sa faute. Elle a présenté des excuses sincères devant le Tribunal et a exprimé des regrets. Néanmoins, ses manquements sont graves. La plaignante a violé son engagement de respecter la confidentialité des usagers et de ne pas utiliser les renseignements à des fins personnelles, en plus d'avoir enfreint ou omis de respecter plusieurs lois et codes. Les fautes liées à la plainte déontologique contre le collègue découlaient d'un acte réfléchi et délibéré de la part de la plaignante. Tout en sachant qu'elle contrevenait aux règles et en connaissant les conséquences potentielles de ses gestes pour elle-même, la plaignante a décidé d'assouvir sa vengeance dans une histoire datant de plusieurs années. La consultation du dossier de l'usagère mineure s'inscrivait également dans une tendance selon laquelle la plaignante consultait des dossiers pour régler des situations personnelles. L'incident du portefeuille perdu témoigne de l'insouciance générale de la plaignante envers les dossiers des usagers, qu'elle utilisait littéralement comme un annuaire téléphonique. Or, la simple consultation d'un dossier sans autorisation constitue une faute grave, et ce, peu importe les raisons. Le fait que la plaignante consultait les dossiers pour des motifs intéressés ajoute à la gravité de sa faute.
En ce qui a trait aux facteurs atténuants, la plaignante était considérée par l'employeur comme une bonne intervenante. Elle détenait 6 années d'ancienneté, son dossier disciplinaire était vierge, elle n'a retiré aucun bénéfice des consultations de dossiers et elle a exprimé ses regrets lors de la dernière journée d'audience. Cependant, la plaignante n'a pas hésité à tromper une archiviste et à mentir à l'employeur pour parvenir à ses fins. Bien que le principe de la progression des sanctions n'ait pas été respecté, la gravité objective des fautes reprochées fait en sorte que le congédiement était la mesure appropriée dans les circonstances.