lois-et-reglements / jurisprudence

Congédiement déguisé

Une petite entreprise du secteur vestimentaire a profité de l'incertitude économique et organisationnelle découlant de la pandémie de la COVID-19 pour se départir de la plaignante, qui était directrice de la création et de la production; la plainte (art. 124 L.N.T.) est accueillie, mais la réintégration n'est pas ordonnée étant donné la rupture du lien de confiance entre les parties.
20 avril 2023

Parties

Gellatly c. Neon Buddha Ltd.

Juridiction

Tribunal administratif du travail, Division des relations du travail (T.A.T.), Montréal

Type d'action

Plainte en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) à l'encontre d'un congédiement — accueillie.

Décision de

Maude Pepin Hallé, juge administrative

Date

4 octobre 2022


Décision

La plaignante, qui était directrice de la création et de la production dans une petite entreprise de vêtements, prétend avoir fait l'objet d'un congédiement déguisé — l'employeur soutient qu'elle était une cadre supérieure et donc exclue de la protection offerte par l'article 124 L.N.T. — or, la plaignante ne participait pas à la prise de décisions portant sur les orientations et les stratégies de l'entreprise — elle ne pouvait engager l'entreprise auprès de tiers sans l'approbation préalable des dirigeants — même si la plaignante possédait une latitude professionnelle importante, elle devait l'exercer à l'intérieur des balises délimitées par les dirigeants — à titre de cadre, elle procédait aux choix des personnes à embaucher, à leur supervision quotidienne et à l'autorisation de leurs vacances — cela n'est pas caractéristique du niveau de cadre supérieur, non plus que la détention de l'autorité décisionnelle finale sur l'imposition de mesures disciplinaires — la rémunération substantielle de la plaignante était justifiée notamment par ses 30 années d'expérience — la plaignante était une salariée au sens de la loi — sa plainte est recevable.

L'employeur prétend que la plaignante a été licenciée parce que des difficultés financières ont rendu nécessaire une réduction de sa masse salariale — il n'a pas été contesté que l'employeur traversait d'importantes difficultés sur le plan financier — tous les salariés de la division dirigée par la plaignante ont été licenciés — or, les activités de l'entreprise ne pouvaient se poursuivre sans employés dédiés à la création et à la production — l'employeur a admis que la plaignante avait été remplacée 10 jours après sa fin d'emploi — son explication selon laquelle il aurait été insultant de demander à la plaignante d'accepter une importante coupure salariale n'est pas convaincante — quelques jours avant sa fin d'emploi, la plaignante a proposé que son salaire soit réduit de 30 000 $ — elle a également proposé d'être mise à pied temporairement étant donné l'incertitude entourant la situation liée à la pandémie de la COVID-19 — l'employeur n'a toutefois fait aucun effort pour maintenir la plaignante en emploi — il existait d'ailleurs un contentieux entre les parties quant à l'indemnité de départ prévue au projet de contrat de travail de la plaignante — l'employeur a finalement appliqué le montant qu'il souhaitait lorsqu'il a mis un terme à son emploi — l'employeur n'a pas démontré que les difficultés financières et la réorganisation du travail étaient la cause de la fin d'emploi de la plaignante — plusieurs indices démontrent qu'il s'agissait d'un subterfuge pour camoufler un congédiement en licenciement — l'employeur a notamment camouflé ses intentions de maintenir ses activités et de remplacer la plaignante par une nouvelle employée — la plaignante a fait l'objet d'un congédiement déguisé, lequel est annulé — la réintégration n'est pas ordonnée vu la rupture du lien de confiance et la taille de l'entreprise.