Parties
Syndicat des travailleurs et travailleuses du CISSSO-CSN et Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Outaouais (Fouad Bekkar)
Juridiction
Tribunal d'arbitrage (T.A.)
Type d'action
Griefs contestant un avis écrit et un congédiement. Rejetés. Objection quant à la recevabilité d'un grief. Rejetée.
Décision de
Me Denis Nadeau, arbitre
Date
4 septembre 2022
En février 2016, le plaignant, un analyste en informatique, a été chargé du projet de consolidation des systèmes de sauvegarde de l'ensemble de l'organisation de l'employeur. Le 3 novembre 2016, il a reçu une lettre l'avisant officiellement de ses lacunes dans l'accomplissement de ce mandat. Le 16 juin 2017, estimant que la situation ne s'était pas améliorée, l'employeur a décidé de mettre un terme à l'emploi du plaignant pour cause d'incompétence.
Décision
L'employeur soutient que le grief contestant la lettre du 3 novembre 2016 est irrecevable puisque celui-ci aurait fait l'objet d'un règlement entre les parties à la suite de la modification de la lettre. Or, puisque la preuve contradictoire produite de part et d'autre ne permet pas de déterminer quel sort a été réservé au grief, le Tribunal préfère considérer que le grief n'a pas été retiré et qu'il en est valablement saisi.
Sur le fond, l'évaluation des critères retenus par la jurisprudence en matière de fin d'emploi pour motif d'incompétence (Costco Wholesale Canada Ltd. c. Laplante (C.A., 2005-09-12), 2005 QCCA 788, SOQUIJ AZ-50332970, J.E. 2005-1696, D.T.E. 2005T-831, [2005] R.J.Q. 2249, [2005] R.J.D.T. 1465), mène le Tribunal à conclure que les mesures administratives imposées au plaignant étaient fondées. Le plaignant avait été informé des lacunes dans sa gestion du projet et des attentes de l'employeur afin que celui-ci soit mené à terme, et ce, à diverses reprises entre le printemps 2016 et l'hiver 2017. L'employeur a offert diverses formes de soutien et d'encadrement au plaignant afin de l'appuyer dans l'exécution du projet. Il a notamment mandaté une firme externe qu'il estimait apte à aider le plaignant dans le cadre de la réalisation de l'une des étapes. Or, à aucun moment le plaignant n'a reconnu que ce mandat visait à le soutenir dans son travail. Un suivi hebdomadaire a également été mis en place à la suite de la remise de la lettre du 3 novembre 2016. Contrairement aux prétentions du plaignant, ce suivi de son gestionnaire n'avait rien de déraisonnable et ne peut être associé à du harcèlement ni à un climat de travail toxique. En effet, dans le contexte où l'employeur estimait que son salarié ne respectait pas l'échéancier du projet ni les éléments techniques à couvrir et qu'il ne reconnaissait pas ses erreurs ni ses retards, le type de soutien retenu par l'employeur, soit un encadrement particulièrement serré, semble pertinent et raisonnable. Enfin, le plaignant a indiqué qu'il avait compris qu'il pourrait être congédié à la suite d'une réunion tenue le 14 mars 2017. Si la preuve n'a pas révélé que cette conséquence avait été mentionnée explicitement, le Tribunal retient que, devant les critiques sévères de la représentante de l'employeur, le plaignant avait compris qu'il pouvait faire l'objet de conséquences sérieuses s'il ne satisfaisait pas aux exigences de ce dernier.
Le syndicat a remis en question la décision de l'employeur de confier au plaignant des responsabilités liées à un l'appel d'offres regroupé auquel le projet initial avait été intégré. Or, à cette époque, rien n'indiquait encore clairement que le travail du plaignant, même s'il soulevait déjà des questionnements, ne pourrait s'améliorer. L'employeur n'a pas agi de façon déraisonnable ou contradictoire en confiant ces responsabilités au plaignant. Prenant appui sur la décision Commission scolaire Kativik c. Ménard(C.S., 2017-10-04), 2017 QCCS 4686, SOQUIJ AZ-51434084, 2017EXP-3020, 2017EXPT-1946, le syndicat prétend en outre que l'employeur aurait dû faire un effort raisonnable afin de trouver un autre emploi au plaignant dans son entreprise. Or, contrairement à la situation dans Commission scolaire Kativik, le plaignant était qualifié pour effectuer le mandat qui lui avait était confié, mais il ne l'a jamais réalisé, même s'il devait pourtant le faire. La conclusion de l'employeur selon laquelle les lacunes sérieuses du plaignant démontraient son incapacité à répondre adéquatement aux exigences de base requises pour son travail d'analyste semble difficilement conciliable avec une obligation de lui trouver un autre emploi au sein de l'organisation. La décision de l'employeur de mettre fin à l'emploi du plaignant de même que la lettre du 3 novembre 2016 relative à son rendement n'étaient pas déraisonnables.