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Congédiement confirmé

Le congédiement imposé à une éducatrice spécialisée pour avoir omis de se présenter au travail après une suspension disciplinaire est confirmé; comme l'employeur ignorait que les comportements déviants de la plaignante pouvaient être attribuables à un trouble psychiatrique, lequel a été diagnostiqué après la fin d'emploi, il n'avait pas l'obligation d'accommoder cette dernière et sa décision de la congédier n'était pas déraisonnable ni abusive.
11 janvier 2023

Parties

Syndicat des professionnels, des techniciennes et des techniciens de la santé et des services sociaux Capitale-Nationale - CSN et Centre intégré universitaire de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale (M.T.)

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Grief contestant un congédiement. Rejeté. Objections à la recevabilité de preuves. Accueillies en partie.

Décision de

Me Nathalie Massicotte, arbitre

Date

30 mai 2022


La plaignante, une éducatrice spécialisée dans un centre de réadaptation en dépendances, a fait l'objet d'une série de mesures disciplinaires allant de l'avertissement à la longue suspension pour des attentes signifiées sur le plan des habiletés fonctionnelles, personnelles et interpersonnelles n'ayant pas été respectées ainsi que pour absentéisme. L'employeur l'a finalement congédiée pour ne pas s'être présentée au travail après sa dernière suspension, et ce, sans justifier son absence. Le syndicat allègue que la plaignante, qui a été hospitalisée pour une schizophrénie 3 mois après son congédiement, présentait une condition médicale qui expliquerait l'ensemble des agissements reprochés ayant mené à son congédiement. Le syndicat soutient que l'employeur connaissait ou devait connaître cette condition médicale, mais qu'il a omis d'accommoder la plaignante.

Décision

Aucun des faits allégués dans la lettre de congédiement, lesquels font également référence aux mesures antérieures, n'est contesté par le syndicat. Ce dernier soutient toutefois que les gestes commis par la plaignante étaient les conséquences de délires découlant de la schizophrénie diagnostiquée quelques mois après son congédiement. L'employeur s'est opposé au dépôt de l'expertise d'un médecin psychiatre demandée par le syndicat près de 3 ans après le congédiement. La jurisprudence a considéré que des faits postérieurs au congédiement pouvaient être recevables à certaines conditions. Ainsi, il semble acquis que les rapports médicaux postérieurs à un congédiement sont recevables en preuve s'ils sont des compléments «intimement liés aux faits initiaux» et s'ils permettent de «préciser la situation réelle au moment du grief», c'est-à-dire s'ils aident à clarifier le caractère raisonnable et approprié du congédiement au moment où l'employeur en a décidé. Si l'expert soumet un rapport postérieurement au congédiement, mais en faisant une étude du dossier médical antérieur à celui-ci et dont l'employeur pouvait avoir connaissance, ce rapport devient pertinent. Dans le présent cas, 3 des 4 rapports postérieurs au congédiement sont recevables en preuve. Bien que l'employeur n'ait eu que des soupçons quant à la possibilité d'un trouble de nature psychiatrique et que le lien entre les faits connus de l'employeur et la condition de santé mentale découverte après le congédiement soit ténu, la preuve médicale peut jeter un certain éclairage sur l'état de santé de la plaignante au moment du congédiement. L'un des rapports portant uniquement sur le diagnostic de santé mentale de la plaignante et sur sa capacité à retourner au travail plus de 2 ans après son congédiement n'éclaire par le Tribunal sur son état antérieur à la décision de l'employeur et n'est donc pas recevable en preuve.

Le syndicat a formulé de multiples objections à l'encontre de documents antérieurs au congédiement et du témoignage d'une supérieure de la plaignante au motif que les faits qu'ils révèlent ne sont pas mentionnés à la lettre de congédiement ou contreviendraient à la clause d'amnistie stipulée à la convention collective. Or, ce n'est pas nécessairement parce que des faits ne sont pas allégués dans la lettre de congédiement qu'ils ne sont pas recevables en preuve. Ils le seront s'ils sont en lien avec les motifs de congédiement et s'ils ont pour objectif de mettre en lumière des événements qui sont reliés aux autres mesures antérieures mentionnées dans l'avis de congédiement. En l'espèce, les faits antérieurs au congédiement mis en preuve par l'employeur sont recevables puisqu'ils sont pertinents. Tous ces faits s'inscrivent dans une logique de démontrer la nature des rapports qu'entretenait la plaignante avec l'employeur et ses collègues et, plus précisément, l'existence d'un comportement type de cette dernière dans ses relations interpersonnelles. Ils visent aussi à attaquer sa crédibilité pour contrer l'argument de la maladie déjà installée au moment des faits reprochés et qui aurait provoqué ses comportements déviants.

Sur le fond, la preuve prépondérante, tant factuelle que médicale, ne permet pas de conclure que, de manière concomitante du congédiement, la plaignante était dans l'impossibilité d'agir ou privée de discernement à un point tel qu'elle ne pouvait comprendre les demandes que l'employeur lui faisait de fournir des justificatifs à ses absences et de se présenter au travail. Même s'il y avait une possibilité que la plaignante présentait déjà des symptômes sousjacents à la maladie qui allait lui être diagnostiquée après son congédiement, rien ne permet de conclure que ceux-ci avaient entraîné pour elle un délire ou une incapacité à fonctionner ou à travailler. La preuve a démontré que la plaignante s'était en partie pliée aux exigences de l'employeur en obtenant des certificats médicaux, lesquels n'expliquaient toutefois pas son omission d'aviser ce dernier avant de s'absenter. L'information médicale détenue par l'employeur au moment du congédiement lui conférait l'assurance que la plaignante n'avait pas un problème de santé mentale l'empêchant de répondre à ses demandes. Par conséquent, rien n'obligeait l'employeur à accommoder la plaignante. Compte tenu du principe de la progression des sanctions que l'employeur a suivie et du fait qu'il ignorait que les comportements déviants de la plaignante pouvaient être attribuables à des symptômes annonciateurs d'une schizophrénie, la décision de la congédier n'était pas déraisonnable ni abusive.