Parties
Membres du comité de maintien de l'équité salariale représentant l'employeur Ville de Rimouski
Juridiction
Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (C.N.E.S.S.T.)
Type d'action
Différend soumis en vertu de l'article 96 de la Loi sur l'équité salariale. Résolution prise par la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, avec dissidence. Demande de récusation. Rejetée.
Décision de
Anouk Gagné, vice-présidente, Sophie Raymond et Judith Carroll (diss.), commissaires
Date
30 juin 2022
Les membres du comité de maintien de l'équité salariale de la Ville de Rimouski demandent à la Commission de statuer sur la validité de la méthode de comparaison «courbe à courbe» pour estimer les écarts salariaux entre les catégories d'emploi à prédominance féminine et les catégories d'emploi à prédominance masculine de même valeur ou de valeur équivalente. De façon préliminaire, les membres du comité représentant les personnes salariées ont demandé la récusation de 1 des commissaires en raison d'un conflit d'intérêts potentiel dénoncé dans un autre dossier portant également sur l'utilisation de la méthode «courbe à courbe». La commissaire s'est retirée de ce dossier puisqu'elle avait agi à titre de consultante pour l'employeur visé dans celui-ci.
Décision
En ce qui a trait à la demande de récusation, faire porter les effets d'un conflit d'intérêt au-delà du dossier visé placerait rapidement les commissaires dans l'impossibilité de remplir leur mandat dans tout autre dossier. Une personne bien renseignée ne conclurait pas que le fait d'avoir conseillé un autre employeur à l'égard d'un autre exercice d'équité salariale serait de nature à empêcher la commissaire de prendre une position impartiale quant aux questions soulevées dans le présent dossier.
La méthode de comparaison «courbe à courbe» n'est pas expressément prévue à la Loi sur l'équité salariale. A priori, la loi ne prévoit que 2 méthodes d'estimation des écarts salariaux pour la réalisation d'un programme d'équité salariale, soit la méthode individuelle et la méthode globale (art. 59 à 64). Cela étant, l'article 76.1 n'impose pas de modalités particulières pour la réalisation du maintien de l'équité salariale. Ainsi, en situation de maintien de l'équité salariale, l'employeur ou le comité n'a pas l'obligation d'utiliser 1 des 2 méthodes d'estimation des écarts salariaux prescrites par la loi pour réaliser un programme d'équité salariale. Le projet de loi sur l'équité salariale prévoyait la possibilité d'utiliser une méthode de comparaison «courbe à courbe». Le fait que le législateur ait finalement choisi de ne pas l'inclure parmi les méthodes de comparaison expressément autorisées par la loi ne permet pas de conclure qu'elle a été jugée contraire aux objectifs de celle-ci. La méthode «courbe à courbe» a également été retenue par le législateur fédéral dans le cadre de sa Loi sur l'équité salariale. Il est donc difficile d'affirmer qu'une telle méthode ne répond pas à l'objectif de la loi alors qu'elle est utilisée et documentée comme étant une méthode valable d'estimation des écarts salariaux.
Pour une comparaison véritable, les courbes représentant la valeur et la rémunération respectives de CEPF et des CEPM doivent être établies selon certains principes fondamentaux. Ainsi, tel qu'il est prévu à l'article 64 de la loi, toutes les CEPF visées doivent être utilisées afin de déterminer la courbe salariale des CEPF, cette même règle s'appliquant implicitement pour la courbe des CEPM. De plus, les courbes salariales des CEPF et des CEPM doivent être du même type et découler des mêmes opérations mathématiques. Enfin, ces courbes salariales doivent représenter adéquatement la valeur et la rémunération des CEPF et des CEPM. De surcroît, quelle que soit la méthode de comparaison utilisée, on ne peut éliminer l'écart salarial constaté en diminuant la rémunération de certaines catégories d'emplois visées par chacune des courbes, qu'elles soient masculines ou féminines. La correction des écarts salariaux se fait par un ajustement salarial destiné aux CEPF et rien de permet de nuancer ce principe lorsqu'une méthode «courbe à courbe» est utilisée. L'application de cette méthode ne respecterait pas l'objectif de la loi si la correction des écarts salariaux constatés devait se faire par un choix discrétionnaire des CEPF ayant le droit de recevoir des ajustements. Pareille façon de faire n'est donc pas permise. Enfin, une méthode de comparaison «courbe à courbe» doit évidemment être exempte de préjugés sexistes, et ce, tant dans sa conception que dans son application. Sa conformité avec la loi devra ainsi être établie au cas par cas, en fonction des situations concrètes.
Dans le présent dossier, les membres du comité représentant l'employeur ont proposé d'établir une courbe salariale pour les CEPF et une autre pour les CEPM. Toutes les catégories d'emplois sont utilisées pour calculer les 2 courbes et la formule mathématique est la même. Les moyens proposés par l'employeur pour estimer les écarts salariaux dans le cadre de l'évaluation du maintien de l'équité salariale sont conformes à l'application de la loi. Si une méthode de comparaison «courbe à courbe» est retenue pour estimer ces écarts, le comité devrait toutefois être apte à démontrer que la rémunération des CEPF est au moins égale à celle des CEPM. La dissidence estime que la méthode «courbe à courbe» mène à la présence de résultats contradictoires et aberrants qui n'assurent pas l'atteinte et le maintien de l'équité salariale.