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Faux motifs d’absence

Une suspension de 18 mois est substituée au congédiement d'un salarié qui travaillait au service d'urgence d'Hydro-Québec et qui s'était absenté sous de faux motifs au début de la pandémie de la COVID-19; l'employeur a omis de tenir compte, à titre de facteur atténuant, des réticences de nombreux Québécois à se trouver en public en raison du contexte sociosanitaire.
5 décembre 2022

Parties

Hydro-Québec et Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d'Hydro-Québec, SCFP, section locale 2000 (Christobal Ramos-Batista)

Juridiction

Tribunal d'arbitrage (T.A.)

Type d'action

Griefs contestant une suspension et un congédiement. Accueillis en partie; une suspension avec traitement est substituée à la suspension sans traitement, tandis qu'une suspension de 18 mois est substituée au congédiement.

Décision de

Me Pierre-Georges Roy, arbitre

Date

6 juillet 2022


Le plaignant, qui travaillait au service d'urgence de l'employeur, a été suspendu sans solde, puis congédié, pour s'être absenté à quelques reprises sous de faux motifs au début de la pandémie de la COVID-19, soit au mois de mars 2020. Plus particulièrement, il aurait prétendu devoir demeurer à la maison pour s'occuper de ses enfants en l'absence de sa conjointe alors que, en réalité, celle-ci travaillait de la maison. L'employeur a pris sa décision à la suite du refus de la conjointe de fournir une attestation de son propre employeur quant à son absence du Québec lors des dates en cause.

Décision

Si l'employeur avait le droit de suspendre le plaignant pendant qu'il menait une enquête, la suspension aurait dû, dans les circonstances, être avec solde. Quant au congédiement, la malhonnêteté dont a fait preuve le plaignant est une conduite objectivement grave. De plus, celle-ci est aggravée par l'autonomie dont jouissait le plaignant, la préméditation et la répétition du mensonge ainsi que le fait que le plaignant ait laissé tomber son supérieur et ses collègues, dont la réalité personnelle et familiale n'était probablement pas beaucoup plus favorable que la sienne. L'élément le plus préoccupant demeure l'incapacité du plaignant à convenir du caractère inapproprié des gestes qu'il a commis. Par ailleurs, le Tribunal retient plusieurs facteurs atténuants, notamment les 6 années d'ancienneté du plaignant, son dossier disciplinaire vierge et, surtout, le contexte très particulier lié à l'état d'urgence sanitaire. En effet, cette période inhabituelle et inattendue a causé à l'ensemble de la population québécoise une peur, rationnelle ou non, d'attraper la maladie et de la ramener à la maison ou encore de souffrir, le cas échéant, de symptômes parfois très graves, pouvant mener au décès dans une proportion appréciable des cas. Il n'y avait alors aucun équipement de protection individuelle ni aucun vaccin disponible, et les modes de transmission et de prévention de la maladie étaient pour l'essentiel inconnus ou, à tout le moins, mal connus. Bon nombre de citoyens québécois se sont alors terrés dans leur résidence pendant quelques mois, ne sortant que pour se rendre à l'épicerie ou à la pharmacie. Il n'est pas étonnant que le plaignant ait eu l'impression qu'il était plus sécuritaire de demeurer chez lui plutôt que de se rendre sur les lieux habituels du travail. Ce contexte sociosanitaire constitue un élément factuel central dont l'employeur a omis de tenir compte, et il s'agit d'une lacune majeure. La conduite du plaignant ne justifiait pas la fin de son lien d'emploi. Une suspension de 18 mois paraît appropriée pour inciter le plaignant à corriger sa conduite et pour souligner avec clarté aux autres salariés les attentes de l'employeur en matière de probité.